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Tendances populistes ou panafricanisme révolutionnaire?

12/24/2023

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Par Kinuthia Ndungu & Nicholas Mwangi

"Une lutte des classes acharnée fait rage en Afrique. Nous en avons tous les preuves autour de nous. Il s'agit essentiellement, comme dans le reste du monde, d'une lutte entre les oppresseurs et les opprimés".

KWAME NKRUMAH

Nous vivons en effet une époque intéressante, témoin d'une résurgence du panafricanisme à la fois revigorante et complexe. Le continent africain est témoin du mouvement dynamique de dirigeants qui prononcent des discours passionnés, captivant les jeunes et la diaspora. Cependant, sous cette façade énergique se cache un défi : la montée d'un panafricanisme pseudo-populiste qui régurgite une rhétorique vide. Cette pratique s'est également étendue aux présidents africains, qui deviennent des célébrités du jour au lendemain dans le monde entier grâce à de courtes vidéos YouTube devenues virales.

Nous avons également assisté à l'émergence d'"intellectuels publics" qui donnent des conférences sur le panafricanisme et s'habillent de magnifiques imprimés africains, et d'universités africaines qui proposent des cours de panafricanisme sur mesure et commercialisables. La plupart d'entre eux se déguisent en citant nos martyrs révolutionnaires panafricains, mais ne sont pas engagés politiquement dans la lutte contre l'oppression interne et externe. Ils ignorent que le panafricanisme est un projet politique et qu'être panafricaniste, c'est intensifier la lutte à partir de la base, du terrain, en mettant l'accent sur les mouvements populaires et l'action collective pour apporter des changements transformateurs.
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À un certain moment de l'histoire, le panafricanisme a été détourné par des autocrates africains comme Mobutu Sese Seko, Paul Biya, Nguema et d'autres qui ont utilisé le panafricanisme comme excuse pour non seulement hypothéquer leurs pays au profit d'intérêts étrangers, mais aussi pour éviter de rendre des comptes sur les violations des droits de l'homme et la grande corruption. Ils se sont identifiés comme panafricains tout en enlevant, torturant, tuant, exploitant et imposant des restrictions strictes en matière de visas à leurs compatriotes africains.

Aujourd'hui, un certain nombre de dirigeants africains comme le président Museveni et Ruto sont présentés comme des panafricanistes, alors qu'ils défendent des intérêts impériaux dans toute l'Afrique et au-delà. Nous avons été contraints d'assister, avec beaucoup de mécontentement et de frustration, à la décision de Ruto de permettre au Kenya de s'engager plus avant dans les activités impérialistes des États-Unis. Le Kenya, avec le soutien des États-Unis, enverra un contingent d'officiers de police qui seront utilisés comme des visages noirs [de l’impérialisme] pour brutaliser Haïti. C'est le dernier épisode d'une longue et tragique histoire d'intervention impérialiste en Haïti.

Dans le monde d'aujourd'hui, où le panafricanisme est confronté à une dilution populiste et à une rhétorique superficielle, l'appel à un panafricanisme révolutionnaire rénové devient plus urgent que jamais. La force de ce mouvement réside dans sa position inflexible contre l'impérialisme et le capitalisme, en soutenant l'analyse rigoureuse du socialisme scientifique. La jeunesse africaine doit être dotée de connaissances historiques et d'outils analytiques pour pouvoir faire la différence entre les appels populistes vides et les idéologies révolutionnaires authentiques.

Le panafricanisme révolutionnaire, dans son essence, est une tour idéologique contre l'impérialisme et le capitalisme. Contrairement aux critiques qui qualifient la réflexion sur l'histoire de simple nostalgie, le cœur du panafricanisme révolutionnaire se trouve dans les principes du socialisme scientifique et dans son histoire.  L'émergence du panafricanisme remonte à l'impact dévastateur de la traite transatlantique des esclaves et du colonialisme sur l'Afrique et ses peuples. Ces deux forces jumelles, conduites par le capitalisme et l'impérialisme européens, ont eu un impact profond et durable sur le continent. Comme l'a déclaré avec justesse Kwame Ture, le processus d'évolution de l'Afrique a été interrompu par le capitalisme/impérialisme européen, qui s'est manifesté sous deux formes : l'esclavage et le colonialisme. Cette interruption a laissé l'Afrique pillée et son tissu social déchiré.

L'émergence du panafricanisme

Certains des premiers panafricanistes, comme Martin Robinson Delany et Robert Campbell, se sont aventurés en Afrique et ont été accueillis, malgré le fossé géographique et historique causé par la traite des esclaves. Ces interactions avec le continent africain ont alimenté une reconnaissance croissante du besoin d'unité et un désir ardent de rapatriement en Afrique. Martin R. Delany, par exemple, pensait que les Noirs ne pouvaient pas prospérer aux côtés des Blancs et préconisait une séparation d'avec l'Amérique. Les opinions de Delany reflétaient le sentiment dominant des premiers panafricanistes, qui considéraient l'Afrique comme un lieu de refuge et d'opportunités pour les personnes d'ascendance africaine. Le retour sur le continent leur permettrait de reconstruire leur vie et leur culture, libérés des chaînes de l'inégalité raciale.

D'autres panafricanistes de la première heure, comme Alexander Crummell et Edward Wilmot Blyden, ont proposé une approche différente. Ils envisageaient que les Africains retournent sur le continent non seulement pour réclamer leur héritage, mais aussi pour civiliser et convertir ses habitants, à l'instar des missionnaires de l'époque. Cette approche soulignait l'importance du rôle de l'Afrique dans le façonnement du destin de la diaspora africaine. Néanmoins, au fur et à mesure de son évolution, le panafricanisme a transcendé ces approches étroites pour adopter une idéologie plus inclusive et plus globale. Il a reconnu que la lutte pour la justice et l'égalité ne se limitait pas à un retour géographique en Afrique, mais englobait l'objectif plus large de l'unité, de la solidarité et de l'autodétermination pour toutes les personnes d'ascendance africaine, quel que soit l'endroit où elles se trouvent.

Révolution haïtienne

La révolution haïtienne, qui a débuté en 1791, a été une importante lutte pour l'indépendance. Le peuple asservi de Saint-Domingue, principalement d'origine africaine, s'est soulevé contre le régime colonial français oppressif, déclenchant un conflit violent et prolongé qui a finalement abouti à l'établissement d'Haïti en tant que nation souveraine en 1804. C'est la première fois dans l'histoire que des Africains réduits en esclavage parviennent à renverser leurs oppresseurs et à former une république noire indépendante. La conséquence la plus profonde de la révolution haïtienne a été la création d'un havre de paix pour les Africains fuyant la brutalité de l'esclavage. Haïti est devenu une lueur d'espoir pour les opprimés en quête de liberté et d'un refuge contre les horreurs de la traite transatlantique des esclaves. Il a donné un aperçu de ce qui était possible lorsque les opprimés s'unissaient dans leur quête d'autodétermination, inspirant des mouvements similaires dans toute la diaspora africaine.

L'engagement d'Haïti pour la cause de la liberté dépasse ses propres frontières. Les dirigeants haïtiens, en particulier Jean-Jacques Dessalines, ont offert un soutien crucial à Simon Bolivar, le leader révolutionnaire sud-américain. Ce soutien est toutefois assorti d'une condition : Bolivar devait accepter de libérer les esclaves dans les pays qu'il libérait. La volonté d'Haïti de soutenir les efforts de Bolivar a démontré le lien entre les luttes pour la liberté au sein de la diaspora africaine et l'importance de la solidarité entre les peuples opprimés. CLR James, historien et militant politique trinidadien, a reconnu l'importance de la révolution haïtienne et son impact sur le panafricanisme. Dans son ouvrage novateur intitulé "Les Jacobins noirs", James a relaté la lutte héroïque du peuple haïtien contre les puissantes puissances coloniales européennes. Le titre même de l'ouvrage établit un lien entre les révolutionnaires haïtiens et les Jacobins, qui ont mené la Révolution française. Le livre a été écrit dans l'intention de faire des personnes d'ascendance africaine les sujets actifs de leur propre histoire.  Ce faisant, James a reconnu la signification plus large de la révolution haïtienne dans le contexte du mouvement panafricain. Il a reconnu que la lutte d'Haïti pour la liberté n'était pas un événement isolé, mais qu'elle s'inscrivait dans une lutte mondiale plus large pour la libération de l'Afrique de l'oppression coloniale.

Congrès panafricain et internationalisme

Le mouvement panafricain a trouvé sa forme organisationnelle à la fin des années 1900. Henry Sylvester Williams, qui résidait alors au Royaume-Uni, a organisé la première conférence panafricaine à Londres. L'une des figures de proue de cette conférence était W.E.B. Du Bois, un sociologue, historien et militant des droits civiques afro-américain. Lors de cette conférence, Du Bois a joué un rôle important en présidant le comité chargé de rédiger le "Discours aux nations du monde". Ce discours était un appel aux puissances coloniales, exigeant la fin de la discrimination à laquelle étaient confrontées les personnes d'ascendance africaine dans le monde entier. Du Bois et ses collègues panafricanistes ont identifié la ligne de couleur comme le problème déterminant du 20e siècle, soulignant la nécessité urgente d'affronter le racisme et le colonialisme. Le traitement raciste des personnes d'ascendance africaine dans diverses parties du monde, y compris dans la diaspora africaine, a servi de force unificatrice au mouvement panafricain.

Du Bois a également donné un nouvel élan au mouvement panafricain dans son essai de 1915 intitulé "The Negro". Dans cet essai, il plaide pour une orientation socialiste du mouvement, soulignant l'importance de l'unité entre les membres de la classe ouvrière et les personnes de couleur. Du Bois appelle à "l'unité des classes ouvrières partout dans le monde, à l'unité des races de couleur, à une nouvelle unité des hommes". Ses idées ont élargi les horizons du panafricanisme, en le reliant non seulement à la lutte pour l'égalité raciale, mais aussi à des mouvements socio-économiques et politiques plus larges.

La ferveur révolutionnaire du début du XXe siècle, illustrée par des événements tels que la révolution russe de 1917, a eu un impact profond sur le mouvement panafricain. L'Internationale communiste (Comintern), dirigée par les bolcheviks, a adopté une approche panafricaniste révolutionnaire. Cette approche s'oppose ouvertement au colonialisme et à l'impérialisme. Vladimir Lénine, le chef des bolcheviks, a présenté un projet de thèse sur la question nationale et coloniale lors du deuxième congrès de l'Internationale communiste. Ce document exigeait que les partis communistes du monde entier apportent une aide directe aux mouvements anticoloniaux dans les colonies. Le soutien du Comintern au panafricanisme a ajouté une dimension internationale à la lutte pour l'indépendance et l'égalité des Africains. Dans un entretien avec Selim Nadi, Hakim Adi met en lumière le rôle du Comintern dans la formation de l'idéologie du panafricanisme. Sous l'impulsion des communistes noirs, le Comintern a adopté divers aspects du panafricanisme. L'un des éléments clés qu'ils ont adopté est l'idée que les Africains partagent des formes communes d'oppression et sont engagés dans une lutte commune. Cette perspective a contribué à unir les Africains et les descendants d'Africains dans leur quête de libération.

Du Bois a relancé la marche vers l'unification de la diaspora africaine et l'établissement d'un internationalisme noir. En 1919, il a organisé le premier congrès panafricain à Paris, marquant ainsi un tournant important dans le mouvement panafricain. Conscient des limites des conférences isolées, Du Bois avait pour objectif d'assurer la continuité de la lutte panafricaine par le biais du congrès. Le premier congrès panafricain s'est tenu à un moment important, juste après la fin de la Première Guerre mondiale et la défaite de l'Allemagne. Le rassemblement à Paris avait un objectif clair : formuler des exigences et les présenter aux négociateurs de paix réunis à Versailles, en France, pour la négociation et la signature d'un traité de paix. Le Congrès a exigé que les alliés victorieux administrent les anciens territoires allemands en Afrique au nom des populations africaines qui y vivent.

À l'opposé de l'approche intellectuelle de Du Bois, Marcus Garvey était un nationaliste noir qui prônait le mouvement Back-to-Africa. L'impact de Garvey sur le mouvement panafricain s'est fait sentir grâce à son leadership charismatique et à ses efforts de mobilisation de masse. Il a fondé l'Universal Negro Improvement Association (UNIA), qui a attiré plus de 4 millions de membres. Le message de Garvey sur la fierté noire et l'autodétermination a trouvé un écho auprès des personnes d'ascendance africaine, dissipant les fausses consciences et favorisant un sentiment d'unité et de détermination au sein de la communauté noire.

Du Bois organisera une série de congrès panafricains en 1921, 1923 et 1927. Le plus important des congrès organisés par Dubois est le cinquième congrès panafricain, qui s'est tenu à Manchester en juillet 1945 et auquel ont participé des dirigeants africains tels que Kwame Nkrumah. Contrairement aux congrès précédents, il met l'accent sur le continent africain et sa demande d'indépendance. Les dirigeants et les intellectuels réunis à cette occasion avaient pour objectif de démanteler les structures coloniales et d'ouvrir la voie à l'autodétermination en Afrique.

La libération en Afrique

Lorsque Nkrumah a pris le pouvoir au Ghana en 1957, le panafricanisme est revenu de la diaspora comme un projet de construction de la nation, pour répondre enfin à la question nationale. Les dirigeants des nations indépendantes ont commencé à se demander comment construire une société postcoloniale, longtemps ravagée par le colonialisme et l'esclavage.  Comment passer d'une société structurée par la colonisation à une nouvelle société qui honore, humanise et dignifie le peuple africain.

Le socialisme est devenu une nécessité pour la restauration de l'Afrique. Cependant, il y a eu des incohérences quant à la signification et aux politiques du socialisme africain, ce qui a conduit à une confusion générale parmi les dirigeants africains qui ont nié l'existence de classes en Afrique.  Certains intellectuels africains comme Nkrumah, Nyerere et Amilcar Cabral ont véritablement tenté d'imaginer une vie politique et sociale en Afrique enracinée dans la culture africaine. Ils ont lutté contre l'ignorance du riche patrimoine culturel de l'Afrique.

Nkrumah a proposé le "Consciencisme*", un cadre philosophique enraciné dans le christianisme occidental, l'islam et le communalisme africain traditionnel. Ces éléments reflètent les différentes facettes de la réalité et de l'identité africaines. Le 5 février 1967, Mwalimu Julius Nyerere, un anti-impérialiste convaincu, a présenté la déclaration d'Arusha, qui reprenait le concept d'Ujamaa profondément ancré dans la culture traditionnelle africaine. Sa nation est devenue un refuge pour des universitaires radicaux comme Walter Rodney et des mouvements révolutionnaires dédiés à la libération de l'Afrique.

Dans son ouvrage de 1964, "Brève analyse de la structure sociale en Guinée", Amilcar Cabral a souligné la nécessité d'une approche historique rigoureuse pour analyser l'évolution des pays sous-développés vers le socialisme. Il affirmait ainsi :

"Nous pensons que lorsque l'impérialisme est arrivé en Guinée, il a rompu notre lien avec notre propre histoire. Tout en reconnaissant que l'histoire de notre pays est façonnée par les luttes de classes, l'impérialisme et le colonialisme ont perturbé notre récit historique. Toute notre population est aujourd'hui en lutte contre la classe dirigeante des pays impérialistes, ce qui modifie fondamentalement la trajectoire historique de notre pays.

En outre, lors de son discours à la conférence tricontinentale inaugurale de 1966, Cabral a reconnu l'existence de classes sociales, mais s'est opposé à la réduction du matérialisme historique à une simple théorie de la lutte des classes. Il a proposé une autre perspective, en présentant le matérialisme historique comme une théorie du mode de production. Il a déclaré : 

"Comme nous l'avons observé, les classes elles-mêmes, la lutte des classes et leur définition ultérieure sont les résultats du développement des forces productives en conjonction avec les modèles de propriété des moyens de production. Par conséquent, il semble approprié de conclure que le niveau des forces productives, déterminant essentiel du contenu et de la forme de la lutte des classes, est la véritable et durable force motrice de l'histoire".

Cependant, Nyerere avait un point de vue différent, affirmant que les classes sociales n'existaient pas en Tanzanie. Il trouvait donc illogique d'adopter une théorie qui mettait l'accent sur le rôle de la lutte des classes dans la transformation sociale. Walter Rodney, dans son évaluation de l'Ujamaa, a critiqué la perspective de Nyerere sur le socialisme africain, estimant qu'il s'agissait d'un socialisme non scientifique.

Nkrumah, lui aussi, a d'abord rejeté la notion de lutte des classes au Ghana jusqu'à son renversement en 1966. En 1970, il a publié "Class Struggle in Africa" (Lutte des classes en Afrique), dans lequel il proposait une analyse complète des classes et une autocritique. Il a écrit : "La lutte des classes en Afrique" : "Le mythe du socialisme africain est utilisé pour nier la lutte des classes et obscurcir l'engagement socialiste authentique."

Il a souligné que "les intellectuels et l'intelligentsia, s'ils veulent contribuer à la révolution africaine, doivent prendre conscience de la lutte des classes en Afrique et s'aligner sur les masses opprimées".

Senghor, du Sénégal, a souligné la nécessité de prendre en compte les contributions dites "positives" du colonialisme, telles que l'infrastructure économique et technique et le système éducatif. Au Kenya, le document de session n° 10 de 1963 sur le socialisme africain a brouillé les principes socialistes fondamentaux, faisant du Kenya un État capitaliste néocolonial sous le couvert du socialisme. Cette époque a également vu l'émergence de factions dans la conception de la nouvelle société africaine, notamment les blocs de Monrovia et de Casablanca. Les premiers prônaient une Afrique unifiée, tandis que les seconds s'opposaient à cette idée. Nkrumah a fortement plaidé en faveur d'une unité africaine immédiate. Aujourd'hui, la situation au Niger, entre autres, rappelle les divisions idéologiques des années 1960 entre les groupes de Casablanca et de Monrovia. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), considérée par certains comme un outil impérialiste, a imposé des sanctions économiques et mobilisé des troupes pour tenter de renverser un coup d'État soutenu par la population et défiant l'impérialisme français au Niger.

Le Tanzanien Mwalimu Nyerere faisait partie du groupe de Monrovia, qui s'opposait à une unité africaine immédiate. Nyerere plaidait plutôt pour la création de communautés économiques régionales comme étape graduelle vers l'unité continentale. En fin de compte, Nyerere et sa faction de Monrovia l'ont emporté dans le débat, marquant un recul pour le panafricanisme en tant qu'idéologie sous-jacente de l'unité africaine. Le 23 mai 1963, les dirigeants africains ont créé l'Organisation de l'unité africaine (OUA), mais avec une force et une efficacité limitées. Rétrospectivement, contrairement à de nombreux membres du bloc de Monrovia, Nyerere a fait preuve de franchise dans son argumentation. Il reconnaîtra plus tard que l'analyse de Nkrumah était correcte et en avance sur son temps. Il s'est rendu compte que l'Afrique aurait dû poursuivre directement l'unité continentale, sans passer par l'étape intermédiaire des communautés économiques régionales.

Néocolonialisme

Avec la fin du colonialisme, l'ère du néocolonialisme se profile à l'horizon. Le néocolonialisme lance une offensive contre les projets nationaux et les grandes figures panafricaines. Au Congo, le premier Premier ministre démocratiquement élu est assassiné en 1961 avec l'aide de la Belgique et des États-Unis. Le 21 février 1965, Malcolm X, figure révolutionnaire du mouvement de libération des Noirs dans les années 1960, est tué à Harlem, dans l'État de New York. Trois jours plus tard, Pio Gama Pinto, figure clé du mouvement socialiste au Kenya, est assassiné à Nairobi. Nkrumah a été renversé par la CIA en 1966, quatre mois seulement après la publication de son ouvrage "Neo-Colonialism : The Last Stage of Imperialism" (1965). Amilcar Cabral, leader anticolonialiste de Bissau-Guinée et du Cap-Vert, a été assassiné en 1973 par des membres de son propre mouvement influencés par les services de renseignement portugais. En 1980, le socialiste révolutionnaire et militant panafricain Walter Rodney a été tué dans un attentat à la voiture piégée. Thomas Sankara a également été assassiné en 1987 avec l'implication de la France et de la CIA.

Dans les années 1980, le néocolonialisme s'est solidement implanté, ouvrant la voie à l'émergence de l'ère néolibérale. Cette période marque un retour au capitalisme libéral du XVIIIe siècle. Elle se caractérise par la restructuration du capitalisme international sur la base des principes de l'individualisme, du libre marché et d'une intervention limitée de l'État dans les affaires économiques. Simultanément, l'ascension du néolibéralisme a suscité la montée de divers mouvements sociaux.

En réponse à la diminution du rôle de l'État et aux effets néfastes du néolibéralisme, des organisations non gouvernementales (ONG) ont été créées. Opérant sous la bannière des droits de l'homme et de la liberté, ces organisations ont joué un rôle dans la diffusion du mécontentement politique et dans l'atténuation de la résistance. Elles se concentraient principalement sur des activités et des initiatives caritatives visant à atténuer les divers symptômes de la crise capitaliste. En conséquence, elles ont détourné l'attention des mouvements de la prise de pouvoir et de l'établissement d'un nouveau cadre sociétal pour s'attaquer à ces symptômes.

Toutefois, cette évolution a également eu des inconvénients. Il a conduit à un découragement de la clarté idéologique et théorique au sein de ces mouvements. Une dichotomie est apparue entre ceux qui avaient le courage d'agir mais qui ne comprenaient pas les lois régissant le développement social et les étapes nécessaires pour réaliser un bond en avant dans leur lutte. Ce décalage a donné naissance à l'aventurisme et à l'activisme des célébrités, isolant finalement le mouvement de la population dans son ensemble.

Cette tendance a sapé l'essence même du panafricanisme. L'état actuel du panafricanisme se caractérise par sa présence généralisée sur les réseaux sociaux et sa résurgence en réponse aux crises mondiales. Toutefois, cette nouvelle popularité et visibilité s'est faite au détriment de la clarté idéologique. Si l'attrait du panafricanisme est compréhensible compte tenu des défis posés par le capitalisme et l'impérialisme, un panafricanisme qui ne confronte pas explicitement ces systèmes aura du mal à réaliser son objectif ultime d'unité et de libération des peuples africains.

En conclusion, le panafricanisme populiste dilue et dépolitise les véritables mouvements politiques de base/de terrain, les rendant sensibles aux slogans vagues/creux, aux discours superficiels et aux dirigeants réactionnaires. En faisant la distinction entre le superficiel et le substantiel, la jeunesse africaine peut ouvrir la voie à un avenir prometteur. Cet avenir serait celui où les flammes du véritable panafricanisme brûleraient avec éclat, guidées par une compréhension du socialisme scientifique comme but ultime de l'unité panafricaine.

* https://hoodcommunist.org/2019/11/07/consciencism-an-african-world-view-studies-in-quantum-philosophical-thought/amp/

Source : https://hoodcommunist.org/2023/11/30/populist-trends-or-revolutionary-pan-africanism/amp/

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