CHAPITRE VI
BICAMÉRALISME De l'étude de notre passé, nous pouvons tirer une leçon de gouvernement. Le régime matriarcal aidant, nos ancêtres, antérieurement à toute influence étrangère, avaient fait à la femme une place de choix. Ils voyaient en elle, non la courtisane, mais la mère de famille. Ceci est vrai depuis l'Egypte pharaonique jusqu'à nos jours (13). Aussi, les femmes participaient-elles à la direction des affaires publiques dans le cadre d'une assemblée féminine, siégeant à part, mais jouissant de prérogatives analogues à celles de l'assemblée des hommes (14). Ces faits sont demeurés sans changement jusqu'à la conquête coloniale, en particulier dans les Etats non islamisés yoruba et dahoméen. La résistance militaire de Béhanzin à l'armée française, commandée par le colonel Dodds, serait la conséquence d'une décision de l'assemblée des femmes du royaume, qui s'est réunie la nuit, après celle des hommes réunie le jour, et qui, à l'inverse de cette dernière, avait choisi l'ordre de mobilisation et la guerre. La décision fut ratifiée par les hommes. Il existait donc, en Afrique Noire, un bicaméralisme spécifique reposant sur la dualité des sexes. Loin d'entraver la vie nationale et d'opposer les hommes et les femmes, il garantissait l’épanouissement de tous. C'est à l'honneur de nos ancêtres d'avoir su créer un tel type de démocratie. Partout où nous la trouvons jusqu'à l'époque égéenne, l'influence nègre méridionale est indéniable En la restaurant sous une forme moderne, nous restons fidèles au passé démocratique et profondément humain de nos aïeux; une fois pour toutes, nous décontractons la société humaine en la libérant d'une contradiction latente et millénaire; nous pourrions inspirer, à n'en pas douter, les autres pays dans leurs méthodes de gestion des affaires publiques. Restaurer ce bicaméralisme de nos aïeux sur une base moderne consiste, pour nous, à trouver, ensemble, avec les femmes, à l'exclusion de tout esprit démagogique, un mode de représentation vraiment efficace de l'élément féminin de la nation. De telles réformes permettent de normaliser le rôle politique de la femme, de restituer à celle-ci sa dignité de mère de famille, de réaliser une fois pour toutes, de la seule manière efficace, valable, ce qu'on appelle dans tous les pays du monde la « promotion de la femme ». 13. Cf. L'Unité culturelle de l'Afrique Noire (Matriarcat). 14. Au Sénégal un homme qui gouverne selon la coutume est appelé dans certains cas N’Deye Di Rêv (la mère du pays) et cela ne choque personne. Cette fonction coutumière existe encore chez les Lébous. Cheikh Anta Diop, « Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire. »
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