Les élections Européennes à l’issue desquelles sont élus les députés du parlement européen ont eu lieu le 9 juin dernier. Elles sont généralement boudées par l’électorat français, qui est l’un des plus abstentionnistes de la région, preuve indéniable de la déconnexion entre ce peuple et ses institutions. Le résultat(i) fut sans appel : Plus de 30% pour le principal parti d’extrême droite français, le Rassemblement National (et environ 10% de plus pour les divers mouvement de droite conservatrice et nationaliste) contre moins de 15% pour le parti du gouvernement en place et moins de 25% en tout pour les deux listes de gauche présentées (presque tous les partis de l’ancienne coalition d’opposition de gauche ont présenté leur propre liste aux élections européennes). Bien qu’il était tout-à-fait habituel en France, lors des IIIe et IVe République pour le président de dissoudre l’assemblée(ii) après une défaite électorale ou pour tenter de résoudre un blocage politique, les dissolutions sont devenues plus rares depuis l’avènement de la Ve République(seulement 5 en 60 ans) et jamais après un scrutin européen. C’est dans la surprise générale qu’Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’assemblée nationale après les résultats du scrutin européen. Cet évènement a réussi à éclipser totalement les crises qui menacent l’impérialisme français notamment : - Un mouvement propalestinien toujours grandissant faisant trembler les fondements d’un sionisme d’État longtemps bien ancré(iii) - La révolte en cours en Kanaky (nouvelle Calédonie) où la population lutte contre le “dégel” du corps électoral(iv). Une réforme constitutionnelle qui aura pour effet direct la perte de pouvoir politique sur les institutions locales. Un pouvoir obtenu par les natifs via la lutte(v). Les éléments les plus marquants de cette actualité sont les assassinats commis par des miliciens colons et l’arrestation et la déportation vers la métropole de responsables politiques Kanak(vi). - Un mouvement populaire de remise en question totale de l’influence Française en Afrique de l’Ouest cristallisé par des coups d’États militaires et la formation de l’AES au Niger, Mali et Burkina Faso et l’élection au Sénégal de Bassirou Diomaye Faye(vii) après une campagne sur une ligne clairement anti-néocoloniale. Même si ces crises ont relativement disparu de la scène médiatique française au profit de la campagne électorale, elles sont toujours en cours. En tant que panafricains et internationalistes, il nous incombe donc d’analyser cette situation d’élections qui annonce la potentielle prise de pouvoir d’un parti fasciste depuis ces situations de contestation de l’empire français dans ses colonies, ses néo-colonies mais aussi depuis le point de vue des intérêts des populations africaines diasporiques résident en France. 1.L’extrême-droite Française et l’Afrique La genèse: le Front National, le parti de la contre-révolution anticoloniale. Spontanément, le nationalisme d’extrême droite en France semble être une histoire strictement domestique, une histoire de repli communautaire Blanc et souverainiste. En effet, la propagande du Rassemblement National (ou RN, le principal parti d’extrême droite en France) fait la part belle à un nationalisme étroit prônant l’indépendance face à l’Europe et des politiques anti-migratoires. L’histoire du parti est en revanche bien plus liée à l’Afrique qu’il n’y paraît. Je m’explique : dans sa fondation, le rassemblement national cumule un double héritage, celui de la collaboration avec l’occupant Nazi du régime de Vichy sous le maréchal Pétain, durant la seconde guerre mondiale et celui de la colonisation française en Afrique. On compte donc parmi ses membres fondateurs d’anciens Waffen-SS comme Pierre Bousquet(viii), ou d’anciens membres de la Milice Française, une milice supplétive de la Gestapo dont l’objectif était de participer à la répression de la résistance, comme François Brigneau. L’on y trouvait également d’ancien membres de l’armée coloniale française ayant participé activement et personnellement à la répression et à la torture de militants Algériens pendant la guerre de libération (dont Jean-Marie Le Pen, parent de la présidente actuelle du parti), d’anciens miliciens de l’OAS (une organisation terroriste coloniale qui assassinat de nombreux algériens pendant la lutte pour l’indépendance) ainsi que des membres d’Ordre Nouveau et d’Occident (une organisation de jeunesse, proche parente de l’OAS qui s’illustra notamment par son anticommunisme violent). Le Front National, aujourd’hui rebaptisé RN est né dans un contexte particulier qui n’est pas sans rappeler celui d’aujourd’hui. La France d’après-guerre a traversé une période marquée par la perte d’une grande partie de ses colonies africaines (et asiatiques). Battue en Indochine et en Algérie, contestée en Guinée Conakry (par Ahmed Sékou Touré) et au Mali (de Modibo Keita) elle opère, contrainte par la volonté des peuples en lutte, une transition vers le néo-colonialisme en Afrique et une consolidation structurelle de ses quelques colonies restantes (qui perdent le nom de colonies pour bientôt devenir départements et territoires d’Outre-mer). Comme ailleurs en Europe, l’affaiblissement de l’empire a des répercussions importantes sur la métropole et induit des reconfigurations importantes du champ politique. Cela est souvent illustré lorsque l’on étudie ce phénomène par le cas portugais(ix) et la révolution qui suivit les guerres d’indépendance du Mozambique et d’Angola, mais la causalité entre les défaites françaises en Afrique et en Asie sont peu citées ou alors minimisées, lorsqu’il s’agit d’analyser les événements de Mai 1968, on préfère souvent une lecture plus eurocentrée de cette période, perçue comme une manifestation spontanée de l’esprit subversif et révolutionnaire “à la française”. La réalité est pourtant tout autre et cette contestation de l’ordre politique français commence bien dans le mouvement anticolonial africain, antillais et indochinois d’après-guerre, bien avant 1968. Cet évènement n’est, du point de vue Africain, qu’un écho de la crise de l’impérialisme français causé par les luttes de nos prédécesseurs. La fondation du FN en 1972 est donc en effet à la fois l’expression de la nostalgie de la domination coloniale sur l’Afrique (la nostalgie de l’Algérie française opérant comme un véritable liant entre les membres fondateurs qui ont largement participé à soutenir la cause du maintien de la domination française en Algérie), la manifestation de la survivance du racisme politique de la France de Vichy et la structuration d’un mouvement anti-communiste et contre-révolutionnaire qui répond directement à la contestation populaire des années 60 qui progresse parallèlement aux mouvements anticoloniaux et dont Mai 68 est le paroxysme. Le souverainisme impérial : les conséquences Africaines d’une politique d’extrême droite Française. Compte tenu de cette histoire, il serait dangereux de prendre au sérieux l’air isolationniste du Rassemblement National et de l’extrême droite Française en général. Dans les faits, l’idéologie d’extrême droite est déjà majoritaire parmi l’armée française qui a encore des troupes déployées sur le continent et il est important de le souligner pour mieux comprendre le rejet dont celle-ci fait l’objet de la part des populations africaines. Le nationalisme racialiste, si cher aux idéologues africanistes comme Lugan, fut hégémonique pendant l’expansion coloniale en particulier à la fin du XIXème siècle, fut central dans la constitution de la culture politique de l’armée française. En cela, l’affinité idéologique entre une partie de l’armée française et l’extrême droite est évidente. Elle est aussi populaire parmi les français de l’étranger bien que, du fait des binationaux africains vivant dans leur pays d’origine, le vote de droite y soit moins fort que dans d’autres destinations prisées par les expatriés français. Ceux-ci demeurent très présents dans les capitales commerciales d’Afrique dite francophone où le parti a un très bon réseau. Marion Maréchal, l’une des héritières du clan Le Pen, a d’ailleurs passé plusieurs années en Côte d’Ivoire où elle rejoint son père marié l’une des descendantes de Félix Houphouët-Boigny. Les réseaux africains du RN restent néanmoins faibles dans la classe politique africaine. Il faut cependant souligner que la montée de la xénophobie en Europe ayant déjà fait son chemin vers l'institutionnalisation, elle a déjà des effets au niveau de sa politique africaine. La France participe ainsi activement à la répression violente de la migration en soutenant des programmes européens et français de délocalisation du travail de contrôle et de militarisation des frontières à travers notamment des accords avec les gouvernements Africains du Nord(x) ce qui a de lourdes conséquences sur les tensions et les violences raciales dans ces pays. Je fais référence ici au lynchage et au harcèlement fréquents des Noirs en Tunisie par des bandes de négrophobes galvanisées et enhardies depuis le discours raciste du président Kaïs Saïed(xi), aux massacres opérés par les forces armées marocaines qui ont lieu près des enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta(xii), ou encore au fait que les polices algérienne et tunisienne arrêtent souvent des Africains noirs et les relâchent dans le désert sans eau ni nourriture, les condamnant ainsi à mourir de faim et de soif(xiii). Ce phénomène entrave aussi la perspective de l’union continentale qui ne pourrait se faire qu’en luttant contre cette diplomatie néocoloniale tragique qui participe à la balkanisation du continent. Il va sans dire que l’accession au pouvoir de partis dont une grande partie du programme tourne autour de la lutte contre l’immigration ne pourra qu’empirer cette situation augmentant de ce fait le décompte macabre des doubles victimes africaines de l’impérialisme occidental : déplacés car fuyant des conflits ou des situations résultants de l’oppression (néo)coloniale, morts sous les balles des sous-traitants africains du travail au frontières européen ou noyés dans la méditerranée. Les forces politiques européennes sont d’ores et déjà empreintes d’une peur paranoïaque malthusienne concernant la possibilité d’un “péril Noir” migratoire et écologique(xiv). Il se tient régulièrement en Europe des conférences sur la dite “crise migratoire africaine” ou “l’explosion démographique africaine” dans laquelle les idéologues et “experts” d’extrême droite sont sur-représentés. Le 25 Juin lors du débat de campagne le plus important des élections législatives, ce point fut encore une fois évoqué par le représentant de l’extrême droite J. Bardella. De façon tout à fait analogue aux conséquences de l’idée d’un “péril jaune”, cette omniprésence des éléments rhétoriques du “péril noir” migratoire pourrait renforcer et accélérer l’émergence d’une diplomatie malthusienne antinataliste en Afrique à l’instar de celles qui ont contraint par chantage l’Inde et la Chine notamment à l’adoption de politiques de contrôle des naissances extrêmement strictes et autoritaires. L’un des thèmes phares du RN est celui de la souveraineté, or, sous plusieurs aspects (énergétique, alimentaire, minier), la France reste dépendante. Il est assez possible donc qu’une France sous gouvernement d’extrême droite doive accroître sa prédation économique sur ces pays africains considérés historiquement comme son pré-carré afin de s’autonomiser des autres puissances mondiales. À vrai dire, cette dépendance parasitaire impérialiste pourrait bien être l'une des causes mêmes de cette résurgence du nationalisme en France en particulier, et en Occident en général. Le réflexe colonial? Une analyse Nkrumahiste de la montée de l’extrême-droite en France Plutôt que les thèses sur le populisme et les affects(xv), populaires chez les gauches occidentales, on trouve chez Kwame Nkrumah(xvi) une analyse anticoloniale des fluctuations du système politique des métropoles coloniales, développée en approfondissant la réflexion de Lénine sur les relations parasitaires entre les impérialistes et leurs dépendances. Selon son analyse, dans une société capitaliste, le fascisme est une manifestation autoritaire et chauvine du capital (la démocratie à son minimum) qui se traduit à l’extérieur par des formes plus ‘crues’ de prédation. Au XXème siècle, sous la pression des mouvements syndicaux à l’intérieur et des mouvements anticoloniaux à l’extérieur, la transition s’impose vers les réformes instaurant l’État-providence (démocratie bourgeoise à son maximum) à l’intérieur et le néocolonialisme à l’extérieur dont les hauts profits taxés permettent de financer en partie l’État-providence. La destruction des acquis sociaux en cours et la contestation forte du néo-colonialisme en Afrique pourraient donc expliquer une régression politique vers le fascisme colonial qui a construit la puissance impériale française et financé l’état d'opulence tant regretté par les plus nostalgiques du “bon temps des colonies”. Ce sont ces Français qui constituent le gros des électeurs et des politiciens d’extrême-droite. Cette analyse pourtant absente de la majorité des analyses sur la montée de l’extrême droite française revêt d’autant plus de pertinence pour nous que l’on s’intéresse à qui, parmi les capitalistes, sont les plus grands soutiens de l’extrême droite française.
Dans la contestation africaine du néocolonialisme, le peuple a très vite reconnu Vincent Bolloré comme l’un de ses ennemis(xvii). Omniprésentes dans la vie des africains, et particulièrement dans les domaines logistique, médiatique, culturel, agricole et des télécommunications, les entreprises du groupe Bolloré illustrent la domination tout-à-fait palpable du capital français sur ses ex-colonies. D’ailleurs, c’est sur les médias du groupe Bolloré que se fait en France une grande partie de la propagande politique chauvine et raciste(xviii). On comprend donc ici que si le capital dont les intérêts africains sont menacés par la contestation populaire choisit d’investir et soutenir idéologiquement l’extrême-droite c’est bien par conviction de la capacité de celle-ci à le défendre, et ce, de façon plus agressive peut-être que les franges libérales du champ politique français. Cette orientation politique des médias du grand capital français impacte fortement la représentation des peuples colonisés vivant dans les territoires d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie encore occupés par l'État colonial français ainsi que sur celle des populations Afro-diasporiques présentes en métropoles. Elle affecte tout particulièrement la perception que le reste des français ont des nôtres et de nos luttes. Intéressons-nous donc à présent plus particulièrement aux liens qu’entretiennent l’extrême-droite avec nos frères et soeurs vivant l’occupation coloniale, leurs terres et les luttes menées pour les libérer. 2.L’extrême droite française et les colonies d’Outre-Mer(xix) Le succès du RN dans les colonies, symptôme d’un mal colonial. Il est établi que parmi les colons, le nationalisme d’extrême droite est historiquement majoritaire, c’est toujours le cas aujourd’hui. Mais on observe également chez les populations colonisées une augmentation du vote d’extrême-droite. Il faut aussi accuser certains phénomènes qui viennent troubler la conscience de ces populations et remettre en question les idées préconçues sur le vote dans les colonies françaises. On peut citer d’une part le statut de « frontière de l’empire » : situées sur d’autres continents, dans d’autres régions du monde, la présence d’enclaves coloniales à la monnaie forte et aux infrastructures plus développées (relativement à la région) engendre nécessairement des dynamiques migratoires particulières, mais analogues aux mouvements migratoires “nord-sud” observés ailleurs dans le monde. La forte proximité culturelle entre ces populations voisines facilite d’autant plus la migration économique. Dans ces territoires les infrastructures restent en deçà des standards de la métropole, le chômage y est bien plus élevé et le coût de la vie d’autant plus cher que les bourgeoisies compradores locales et le capital français s’accorde pour y développer peu d’industrie et y encourager une importation extrêmement profitable pour eux et coûteuse pour la population qui vit dans une situation de pauvreté permanente. Cette tension sociale est capitalisée par l’extrême droite qui y encourage un chauvinisme xénophobe et fratricide qui affaiblit la conscience nationale des peuples occupés et réoriente la tension sociale anticoloniale vers une rancoeur concurrentielle malsaine envers des immigrés avec qui ils partagent presque tout au niveau culturel, historique ou linguistique. Cette situation est très marquée sur l’île de Mayotte appartenant aux Comores(xx), occupée illégalement par la France qui pousse l’affront jusqu’à l’intégration officielle dans le territoire Français via le processus de départementalisation, repoussant, éloignant toujours plus le peuple comorien de la perspective d’une réunification de l’archipel des Comores. Bien qu’il soit très particulièrement exacerbé à Mayotte, ce phénomène xénophobe fratricide est aussi observable aussi en Guyane ou en Guadeloupe. Aussi ce contexte permet à la droite française de recruter allègrement parmi les plus chauvins des bourgeois et aspirants bourgeois de ces pays afin de donner à leur nationalisme fasciste une « couleur locale ». Dans ces territoires, pendant les épidémies successives de COVID-19, la méfiance légitime envers l’État français a atteint son pic. L’État français, en plus de ne pas remplir son contrat colonial d’accès aux soins des populations (couverture médicale du territoire faible, racisme dans les institutions hospitalières, infrastructures sous-équipées en pénurie de personnel etc…) a aussi participé et couvert un scandale sanitaire en obtenant une dérogation à l’interdiction européenne du chlordécone dans l’agriculture entre 1990 et 1993 et en cachant les conséquences sur le long terme de ce produit pourtant reconnu comme dangereux par les autorités sanitaires internationale depuis 1979. L’emploi massif de ce produit entre 1972 et 1993 eut pour effet l’empoisonnement à long terme des terres et de la population de la Guadeloupe et de la Martinique pour le profits des grands planteurs (souvent blancs) du secteur de la banane(xxi). La population souffre et souffrira encore longtemps de ce crime environnemental et sanitaire qui repousse là aussi la perspective de l’indépendance et de la nécessaire autonomie alimentaire qu’elle nécessite. Cette méfiance justifiée des institutions de santé et de la France s’est manifestée à travers un mouvement anti-vax teinté fortement d’anticolonialisme(xxii) qui a malheureusement créé une porosité idéologique au complotisme en général. Un complotisme idéologiquement situé dans la proximité des théories d’extrême-droite qui a eu un effet délétère sur la politisation de nos frères et soeurs. La position anti-vax, incarnée politiquement par l’extrême droite en France, est devenue la priorité politique de nombre des nôtres ce qui a pu influencer certains dans leur choix du bulletin d’extrême-droite. Le nationalisme colonial et le nationalisme anticolonial, une clarification par l’histoire. D’autres peuvent, à tort, penser que le nationalisme français puisse être compatible avec le nationalisme anticolonial, que d’une certaine manière, la focalisation faite par l’extrême droite sur l’identité des peuples et leurs différences engendrerait une sorte de bienveillance envers les revendications nationales des peuples colonisés. C’est un erreur d’appréciation commune largement instrumentalisée par le RN. Comme évoqué précédemment, le RN fut fondé par des personnes qui ont combattu pour garder l’Algérie sous domination coloniale, mais aussi par d’anciens Pétainistes (Pétain étant le chef d’État de la collaboration française au nazisme). Et c’est un fait important au vu de l’histoire de territoires comme la Martinique ou la Guadeloupe ou l’amiral Robert pour la Martinique et Georges Sorin pour la Guadeloupe ont capitulé durant la seconde guerre mondiale et se sont joints au gouvernement de Vichy imposant sur place une terreur et une pénurie qui marqua les esprits pendant des générations(xxiii). C’est d’ailleurs sous l’amiral Robert que Frantz Fanon quitta la Martinique vers l’île de la Dominique voisine pour y rejoindre la résistance en exil(xxiv), un évènement initiant le début de sa trajectoire de militant et théoricien révolutionnaire. On peut aussi s’intéresser une autre expérience de confrontation entre les défenseurs du nationalisme colonial et celui des populations colonisées des Antilles qui en 1959, fera s’embraser l’île de la Martinique, déjà tendue par les luttes des dockers(xxv). En effet, l’État français à relocaliser des centaines de colons, inquiétés par la lutte de libération algérienne, vers d’autres colonies, aux Antilles, à la Réunion, en Polynésie et en Kanaky. Ces colons issus du même terreau idéologique que celui des membres fondateurs du RN, amènent avec eux une pratique d’humiliation et de violence raciste longtemps pratiquée en Algérie occupée. Lors d’une altercation routière, un colon français fraîchement arrivé d’Afrique du nord frappe et insulte un Afro-Martiniquais. Cet événement déclencha de grandes émeutes chez une population Martiniquaise qui à l’époque s'identifie bien plus fortement qu’aujourd’hui aux luttes des peuples d’Afrique et d’Asie pour l’indépendance. Ce genre de confrontations permet d’identifier plus clairement les antagonismes entre un nationalisme colonial violent et un nationalisme anticolonial. Même si déjà dans les années 30 existait au sein de la petite-bourgeoisie Antillaise une forme de nationalisme républicain apologiste du colonialisme incarnée par des personnalités comme Paulette Nardal(xxvi) dont les Antillais militants de droite républicaine et d’extrême droite sont les dignes héritiers. On l’a dit plus avant, le vote d’extrême droite est très largement majoritaire chez les forces de police et de l’armée, très présentes dans l’ensemble des colonies françaises d’Outre-mer. Ces mêmes forces employées dans la répression des mouvements syndicaux et indépendantistes qui émaillent l’histoire des peuples colonisés par la France aujourd’hui. On a toujours en tête les massacres comme celui qui eut lieu en Mai 1967 à la Guadeloupe(xxvii) et aujourd’hui la violence exercée de concert par la police militarisée et les milices civiles de colons en Kanaky pour réprimer la lutte du peuple Kanak pour l’indépendance. L’extrême droite Française, c’est historiquement la défense de la violence policière débridée, une culture de violence directement importée des colonies. Penser que le parti majoritaire chez les policiers, proche du principal syndicat de police, puisse avoir une quelconque bienveillance pour les populations des colonies est une erreur d’appréciation dangereuse. La réalité historique est pourtant claire : le nationalisme européen est prédateur et colonial, le nationalisme du colonisé est émancipateur et internationaliste. Ce parti ne répondra jamais que par la force à la rue, aux revendications sociales et politiques des peuples colonisés de l’océan Indien africain (la Réunion, Mayotte…), des caraïbes occupées, de Guyane et d’Océanie (Polynésie, Kanaky etc...) comme à celles des populations africaines diasporiques résidant en France. Discutons donc du sort de ces dernières relativement à la perspective d’une extrême-droite au pouvoir. 3.L’extrême droite et les Africains en France Les migrations post-coloniales africaines, entre exploitation et oppression. Les populations africaines en France sont issues de plusieurs migrations. Une issue d’Amérique (continent), car la France y a colonisé énormément de territoires et y a réduit une importante population africaine déportée, à l’esclavage. Devenus sujets coloniaux après l’abolition, c’est sur eux que seront mis en pratique les outils politiques, judiciaires et policiers de la longue tradition d’oppression et d’exploitation coloniale utilisés dans les multiples colonies africaines acquises au long du XIXème siècle(xxviii). De ses colonies Américaines elle a gardé la Guyane et quelques îles aux Caraïbes dont la Guadeloupe et la Martinique, et c’est de là que quelques décennies plus tard, au XXème Siècle, une politique de migration (similaire à celles dudit “Wind rush” en Angleterre) organise la migration massive de Caribéens, Guyanais et de Réunionnais vers la métropole afin d’y occuper des emplois peu qualifiés(xxix) mais aussi pour affaiblir durablement la revendication indépendantiste qui allaient toujours grandissante, renforcée par les victoires héroïques des peuples Algérien et Indochinois (entre autres). Celle aussi d’Africains continentaux, issue de ses nombreuses anciennes colonies d’Afrique du Nord, de l’Ouest et Centrale, une migration qui s’est accélérée durant la 2nde moitié du 20ème siècle pour répondre aux besoin de main-d’oeuvre de l’économie française(xxx). On estime aujourd’hui qu’un Français sur dix soit (en partie) d’ascendance africaine. Depuis quelques années, les déstabilisations causées par les guerres impérialistes (Afghanistan, Syrie, Libye) ou les conflits alimentés par des intérêts extérieurs (comme au Soudan ou au Congo) ont changé les routes de migration et l’origine de ceux qui migrent vers l’Europe occidentale dont la France. L’immigration vers la France reste un phénomène mineur, l’essentiel des migrations africaines se faisant vers d’autres pays du continent(xxxi). Pseudo-fascisme néo-libéral : le racisme systémique dans l'État néo-libéral Les gouvernements libéraux, mus par leur ambition électoraliste, n'ont cessé faire concurrence à l’extrême droite en durcissant les lois sur l’immigration, réforme après réforme. Ils ont aussi réformé les systèmes de santé, de chômage et d’éducation impactant fortement la vie des populations des diasporas africaines. Une communauté maintenue dans la précarité, l’exploitation et la pauvreté par une société dont les effets du racisme s’expriment principalement dans les domaines du travail, de l’éducation et de la santé. Un racisme systémique que les quelques récits individuels d’ascension sociale et d’intégration à la bourgeoisie blanche ne sauraient faire oublier. L’accession au pouvoir de l’extrême droite entraînerait nécessairement l’aggravation et l’accélération de ces processus de réformes en y intégrant un paramètre : celui de la « préférence nationale ». Bien qu’anticonstitutionnelle (donc difficile à mettre en place), elle constitue l’institutionnalisation de la discrimination raciale en discriminant l’accès aux service public selon la nationalité. Les affaires Adama en 2016, puis Théo en 2017 ont fait découvrir au monde la réalité du harcèlement et de la violence dont sont victimes les jeunes hommes et garçons africains en France. Les cas de meurtres policiers récurrents en France illustrent une tradition et une tendance lourde chez les policiers héritée de la violence coloniale. Au lendemain des indépendances, nombre d’anciens fonctionnaires et miliciens des colonies sont intégrés aux forces de police française, important avec eux une pratique de la torture et du harcèlement racial policiers qui caractérisait la domination coloniale(xxxii). Cette transmission des pratiques et de l’idéologie racistes et coloniales se traduit aussi bien dans les interactions avec les populations issues de ces anciennes colonies que dans les manifestations politiques et syndicales de la police et de la gendarmerie (équivalent de la garde nationale américaine, force de police militaire). Tout comme les syndicats de police états-uniens, le principal syndicat de police en France nommé « Alliance » est très proche idéologiquement de l’extrême droite et du Rassemblement National en particulier. En observant le soutien systématique des représentants du RN même, et surtout, pendant les période de protestation faisant suite à des meurtres policiers (comme celui de Nahel il y a un an, en Juin 2023, assassiné par balle par un policier), on peut difficilement nier le fait que leur accession au pouvoir viendrait débrider l’action et les moyens de la police et lui garantir l’impunité dans l’exercice de la violence raciste envers les africains et ce qu’ils soient immigrés ou enfants d’immigrés, en lutte ou non. En vérité, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, la montée du fascisme en France transparaît déjà dans la politique exercée par l’exécutif français. De gauche ou de droite, les gouvernements libéraux français ont mené une politique qui promeut à la fois des progrès symboliques à certaines minorités (notamment au niveau de l’expression d’un certain féminisme d’État ou encore sur les question LGBT, bien que de façon très superficielle) tandis que ses réformes économiques néolibérales paupérisent la majorité de la population et confinent les minorités africaines dans une précarité et une pauvreté toujours croissantes. Au cours des 3 dernières décennies, les partis de « gouvernement » (centre droit et gauche) ont utilisé l’extrême droite comme un épouvantail, un danger dont seul eux peuvent protéger la France. Parce qu’engagé dans un jeu concurrentiel à but électoral avec l’extrême-droite consistant à imiter et appliquer leur programme politique raciste, ils ont largement achevé d’en normaliser le projet fasciste. L’arrivée aux portes du pouvoir de l’extrême-droite en France est donc le résultat à la fois de la normalisation de la politique raciste de l’extrême droite par l’establishment libéral, de l’appauvrissement et de la précarisation d’un part de plus en plus importante de la population du groupe majoritaire blanc et de la perte de puissance internationale de la France contestée dans ses colonies comme dans son aire d’influence néocoloniale. Face à ses 3 facteurs, le peuple français ne semble malheureusement pas favoriser l’option révolutionnaire comme ce fut le cas (assez rarement) chez d’autres peuples européens par le passé. Au contraire, ils semblent s’orienter vers l’option du fascisme. Que faire? Dans cette situation, nos objectifs panafricains restent inchangés : le combat pour la libération des peuples colonisés, la lutte pour défaire définitivement l’impérialisme et le néocolonialisme et le travail d’unification totale du continent. Ces objectifs supérieurs sont une boussole mais ne doivent pas être une excuse pour nous détourner de nos responsabilités concernant la défense de la vie et des intérêts politiques des Africains, qu’ils soient sur le continent, exilés ou enfants d’africains déplacés. Considérant ce principe fondamental du panafricanisme, l’apathie n’est pas de mise, elle est même condamnable. Et bien que d’un point de vue africain, la tendance profonde au fascisme soit observable depuis longtemps sur le continent(xxxiii), il ne faut pas sous-estimer les conséquences d’un retour des forces fascistes à la tête de l'État Français. Pour y faire face, il ne s’agit pas de signer un blanc sein à la gauche française, ni même de participer activement à construire son hégémonie, car il est clair qu’en l’état celle-ci ne fait pas aujourd’hui grand cas de nos intérêts et nos combats : aucune mention du racisme négrophobe spécifique dont sont victimes la partie noire des populations africaines en France, pas d’expression claire d’une position favorable à l’indépendance pour les îles colonisées d’Afrique et des Caraïbes et rien concernant une réorientation totale de la politique africaine dans son programme(xxxiv). Il s’agit plutôt de réinvestir très sérieusement la question du pouvoir; au niveau international d’abord, car l’une des opportunités qu’offre l’émergence d’un panafricanisme au pouvoir dans nos pays est celle d’une diplomatie de défense des Africains du monde et leurs enfants. Mais aussi au niveau local où se constituer comme force politique active permet d’exercer une pression politique sur les forces en présence afin de défendre au mieux la vie des travailleurs africains et leurs familles. Quelle que soit l’issue de ces élections, l’urgence du renforcement d’un panafricanisme politique (c’est à dire centré sur la lutte pour le pouvoir et l’expression de celui de nos communauté) plutôt que culturel et symbolique se fait plus que jamais sentir pour les populations africaines continentales et diasporiques. Ce panafricanisme, dans un contexte néolibéral où les populations africaines sont tout particulièrement exploitées, ne peut faire l’économie d’une analyse de classe sérieuse, renouant ainsi avec son héritage Panafricain historiquement socialiste, dont beaucoup célèbrent les figures tout en ignorant l’orientation politique. Il faut prendre au sérieux la possibilité du fascisme, en ce qu’elle constitue une réaction politique contre-révolutionnaire à nos luttes et au changement d’équilibre politique mondial, qui progresse et s’impose à travers l’occident et les minorités blanches du Sud (État sioniste, Afrique du Sud, Brésil etc…). Cela implique de s’organiser politiquement pour lui résister en construisant un panafricanisme populaire et un front antifasciste internationaliste, seuls capables de garantir le salut et la protection des Africains “at home and abroad” ainsi que de garantir la libération définitive des peuples frères colonisés en lutte en Afrique, dans les Amériques, en Asie Occidentale et en Océanie. Cette urgence est déjà prise au sérieux par nos ennemis(xxxv) qui, sous la présidence de Macron, se sont armée d’une loi « contre le séparatisme » dont l’objectif était de brider et censurer la politisation des espaces communautaires musulmans (majoritairement africains en France), ouvrant ainsi légalement la voie à la censure et l’interdiction des mouvements politiques panafricains en France. De par sa composition et son contexte historique, le destin de la population africaine en France est lié à celui des siens en Afrique, aux Caraïbes et ailleurs, et face à une France qui clarifie chaque jour davantage son retour vers le nationalisme, elle se retrouve encore enjointe à relever le défi générationnel posé par Frantz Fanon, celui de “découvrir sa mission, la réaliser ou la trahir”. 27 juin 2024 Kossi « Ayomide » Paul Militant Panafricain au sein du Parti Révolutionnaire de Tous les Peuples Africains et membre de la Question Noire. i: https://www.archives-resultats-elections.interieur.gouv.fr/resultats/europeennes2024/index.php ii: 17 dissolutions parlementaires entre 1815 et 1955, et 4 en tout depuis 1981. iii: L’état français a intégré l’antisionisme à la définition de l’antisémitisme sous la pression de lobby sionistes comme le CRIF. Cela ouvre la voit à une condamnation et la criminalisation de tout mouvement propalestinien sérieux, la marque d’un alignement de l’état sur les intérêts sionistes voir article iv: Le dégel du corps électoral prêt à enflammer la Kanaky-Nouvelle-Calédonie - Survie v: Il y a vingt ans, « l'opération Victor » ensanglantait Ouvéa - L'Humanité (humanite.fr) vi: Nouvelle-Calédonie : le chef de la CCAT, Christian Tein, va être placé en détention provisoire à Mulhouse (lemonde.fr) vii: Investiture de Bassirou Diomaye Faye : comment son élection redessine le paysage politique du Sénégal ? - BBC News Afrique viii: VRAI OU FAUX. Le Rassemblement national est-il l'héritier de Waffen-SS et du régime de Vichy, comme l'affirme la députée LFI Sarah Legrain ? (francetvinfo.fr) ix: Au-delà des oeillets. Grandeurs et limites de la Révolution portugaise - CONTRETEMPS x: Comment l’argent de l’UE permet aux pays du Maghreb d’expulser des migrants en plein désert (lemonde.fr) xi: https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/03/tunisia-presidents-racist-speech-incites-a-wave-of-violence-against-black-africans/ xii: https://www.contretemps.eu/massacre-racisme-migrants-exil-maroc-espagne-frontiere-melilla/ xiii: https://www.msf.fr/actualites/algerie-niger-des-migrants-violentes-et-expulses-en-plein-milieu-du-desert xiv: https://www.jeuneafrique.com/1482934/societe/sarkozy-le-climat-et-la-fecondite-des-africaines-pourquoi-lex-president-francais-se-et-nous-trompe/ xv: Les visions d’Ernesto Laclau et les ruses de Chantal Mouffe | Le Club (mediapart.fr) xvi: The Handbook of Revolutionary Warfare, Kwame Nkrumah, 1968 xvii: Bolloré en Afrique, une série d'affaires judiciaires (france24.com) xviii: Après avoir labouré le terrain pour l’extrême droite, les médias Bolloré savourent | Mediapart xix: Ces termes sont choisis délibérément pour réfuter l’opération de changement de statut et de nom des colonies qui ne sont qu’une stratégie néocoloniale visant à maquer la réalité coloniale et affaiblir les luttes nationalistes et indépendantistes menées en Guyane et dans les iles africaines occupées de l’océan Indien, des caraïbes et d’Océanie xx: https://survie.org/pays/comores/article/entretien-wuambushu-ne-defend-pas-les-mahorais-mais-les-interets-de-l-etat xxi: Scandale sanitaire aux Antilles : qu’est-ce que le chlordécone ? (lemonde.fr) xxii: Le centre de vaccination incendié à Fort-de-France est toujours inutilisable (rci.fm) xxiii: Seconde Guerre mondiale : la Martinique sous la botte de Vichy - Geo.fr xxiv: FANON Frantz - Maitron xxv: https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/la-resonance-permanente-des-emeutes-de-decembre-1959-a-fort-de-france-1185916.html xxvi: https://www.philomag.com/articles/paulette-nardal-lintellectuelle-martiniquaise-adepte-dune-negritude-de-droite xxvii: RÉPRESSION COLONIALE GUADELOUPE mai 1967 - Survie xxviii: Comment l’abolition de l’esclavage a légitimé le travail forcé colonial en Afrique de l’Ouest (theconversation.com) xxix: https://www.cairn.info/revue-politix-2016-4-page-81.htm xxx: https://journals.openedition.org/hommesmigrations/1719?lang=en xxxi: https://publications.iom.int/system/files/pdf/africa-migration-report.pdf xxxii: https://blogs.mediapart.fr/leopold-lambert/blog/200117/entretien-avec-mathieu-rigouste-une-genealogie-coloniale-de-la-police-francaise xxxiii: https://www.larevuedesressources.org/IMG/pdf/CESAIRE.pdf xxxiv: https://lafranceinsoumise.fr/wp-content/uploads/2024/06/Programme-nouveaufrontpopulaire.pdf xxxv: Guerre de l’information contre la France en Afrique : Qu’est ce que le panafricanisme ? 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La présidence de Faure Gnassingbé au Togo a débuté en 2005 à la suite d'un coup d'État militaire. Il n'a pas été élu. Il a été installé au pouvoir par les militaires et est resté au pouvoir depuis 2005. Il est important de comprendre le contexte de la présidence de Faure car il n'a pas été légitimement élu. Il est arrivé au pouvoir par la force et a utilisé la force pour rester au pouvoir depuis lors.
La constitution togolaise la plus récente est la dernière mesure prise par Faure pour consolider son pouvoir afin de pouvoir rester au pouvoir à vie, comme l'a fait son père. Cette démarche est particulièrement inquiétante, non seulement parce qu'il s'agit d'une tentative flagrante de saper la démocratie au Togo pour s'assurer que Faure reste au pouvoir encore plus longtemps, mais aussi parce que le Togo adopte un système parlementaire qui peut être utilisé pour renforcer davantage sa dictature. Dans un système parlementaire, le chef du gouvernement n'est pas élu par les citoyens dans le cadre d'une élection générale. Le chef du gouvernement est choisi par les membres du parlement. Les membres du parlement sont eux-mêmes élus par les citoyens lors d'une élection générale et le parti qui dispose du plus grand nombre de sièges au parlement est celui qui contrôle le gouvernement et peut choisir son chef de parti pour diriger l'exécutif. Dans un système parlementaire, la représentation démocratique découle de la capacité des citoyens à élire le parti au pouvoir, qui choisit à son tour le chef du gouvernement. Les systèmes parlementaires ne sont pas autoritaires en soi, mais ils peuvent être utilisés par des régimes autoritaires pour asseoir leur domination. En effet, les systèmes parlementaires garantissent qu'un seul parti contrôle les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement. Dans le modèle américain, qui est un système présidentiel plutôt que parlementaire, les membres du Congrès et le président sont élus séparément par le peuple américain. Il peut en résulter des situations où le président est un démocrate, mais où le Congrès est dirigé par des républicains. En d'autres termes, il n'y a aucune garantie qu'un parti puisse contrôler tous les niveaux de gouvernement, car le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont séparés. Cela peut servir de frein au pouvoir exécutif, bien que dans le modèle américain, cela ait causé le problème d'un blocage politique dans lequel peu de choses peuvent être faites en raison du conflit politique entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le modèle parlementaire ne crée pas une telle séparation entre les deux branches, ce qui peut très rapidement aboutir à la domination complète d'un parti sur le gouvernement. Au Royaume-Uni, Lord Hailsham a popularisé le terme de "dictature élective" pour décrire ce qu'il considérait comme une réduction des freins et contrepoids. Les freins et contrepoids d'un système parlementaire résident dans le fait que le corps législatif peut démettre le chef du gouvernement de ses fonctions en cas de mauvais résultats. Cela se fait par le biais d'une motion de censure. Les dictatures électives se développent dans les systèmes parlementaires lorsque la loyauté envers le parti prime sur l'efficacité du pouvoir exécutif. L'Union pour la République (UNIR) était déjà le parti dominant au Togo, mais ce nouveau changement constitutionnel subordonne de fait le gouvernement togolais à l'UNIR, car l'UNIR exerce désormais un contrôle encore plus grand qu'auparavant sur le gouvernement du Togo. Ce n'est plus le peuple togolais qui élit le président. Bien entendu, le peuple togolais n'avait pas grand-chose à dire sur les élections, étant donné que le Togo n'organise pas d'élections libres et équitables et qu'il a l'habitude de réprimer les dissidents. Cette nouvelle constitution ne servira qu'à renforcer la dictature au Togo et à consolider la domination du parti UNIR. La nouvelle constitution a effectivement créé une dictature élective au Togo. Source : https://dwomowale.medium.com/elective-dictatorship-the-problem-with-togos-new-constitution-b25daa18ccda Le Togo accueillera le 9e congrès panafricain qui se tiendra dans le courant de l'année. Pour quiconque connaît l'histoire du régime actuel au Togo, il devrait être évident que ce Congrès est une tentative de trouver une légitimité à travers le panafricanisme. Depuis les manifestations de 2017, la dictature togolaise est confrontée au double défi de tenter de se légitimer aux yeux du monde tout en renforçant son emprise sur le pouvoir.
L'étau s'est resserré récemment lorsque la constitution du Togo a été modifiée de sorte que le pays dispose désormais d'un système parlementaire dans lequel les membres du parlement choisissent le président, au lieu que ce dernier soit élu lors d'élections générales par les citoyens togolais. Étant donné que le parti politique de Faure Gnassingbé occupe une position dominante au sein de l'assemblée nationale du Togo, il sera pratiquement impossible de renverser Faure par voie électorale. J'aborderai les ramifications du nouveau système parlementaire togolais dans un autre article. Je me concentre ici sur les ramifications du Congrès panafricain du Togo. Les manifestations de 2017 n'ont pas réussi à renverser Faure, mais elles ont permis à la dictature togolaise d'améliorer sa réputation internationale après que le monde a été témoin de la répression brutale des manifestants au Togo. Un exemple notable est le lancement du nouveau site "Togo First", qui vise à promouvoir des nouvelles positives sur le gouvernement togolais. Le site web publie également des articles en anglais afin d'atteindre un lectorat anglophone. Le 9e Congrès panafricain s'inscrit également dans cette démarche. Le gouvernement du Togo espère apporter une certaine forme de légitimité en s'attachant au mouvement panafricain qui a historiquement inspiré l'espoir et le progrès en Afrique. En consultant le site web du Congrès panafricain, j'ai été frappé par le fait qu'il utilise les visages d'éminents dirigeants panafricains de l'histoire pour promouvoir le Congrès. Il y a trois visages qui, à mon avis, méritent d'être mentionnés. Les deux premiers sont togolais. Le premier est Sylvanus Olympio, l'homme qui a été assassiné par Gnassingbé Eyadéma, le père de Faure. C'est une grande honte que le régime qui a tué Olympio l'utilise maintenant pour promouvoir ce congrès panafricain. Il est également honteux que Gervais Koffi Djondo soit utilisé pour promouvoir ce congrès parce qu'il a été étroitement lié à la dynastie Gnassingbé et a même travaillé dans le gouvernement d'Eyadéma. En d'autres termes, le site utilise à la fois Olympio et un homme qui a travaillé pour l'assassin d'Olympio pour promouvoir cet événement. L'autre visage qui m'a marqué est celui de Walter Rodney. En effet, Rodney a été contraint de faire face aux contradictions des sociétés postcoloniales d'Afrique et des Caraïbes, dans lesquelles la classe qui accédait au pouvoir poursuivait les mêmes politiques coloniales - c'est ce que Kwame Nkrumah appelait le néocolonialisme. Pour Rodney, ces contradictions sont apparues lors du sixième congrès panafricain qui s'est tenu en Tanzanie en 1974. Rodney a déclaré que "lorsque le sixième congrès panafricain se réunira à Dar-es-Salaam en juin 1974, il accueillera principalement les porte-parole des États d'Afrique et des Caraïbes qui, à bien des égards, représentent la négation du panafricanisme". Il faisait référence au fait que de nombreux dirigeants qui se sont réunis à ce congrès étaient des individus qui n'étaient pas pleinement engagés dans la vision du panafricanisme. Il a expliqué que la classe qui est arrivée au pouvoir après la fin du colonialisme en Afrique "a renié le principe cardinal du panafricanisme, à savoir l'unité et l'indivisibilité du continent africain". Le conflit entre Forbes Burnham et Eusi Kwayana au Guyana a été l'une des questions soulevées avant le sixième congrès panafricain. Kwayana, cofondateur de la Société africaine pour les relations culturelles avec l'Afrique indépendante (ASCRIA), est devenu l'un des principaux détracteurs du gouvernement de Burnham. À l'époque, Burnham était premier ministre du Guyana. Pendant un certain temps, Kwayana a soutenu le gouvernement de Burnham et les efforts panafricains de ce dernier. Kwayana s'était rendu en Afrique pour le compte du gouvernement de Burnham, où il avait rencontré divers mouvements anticoloniaux en Afrique afin de leur apporter son soutien. Le gouvernement de Burnham a fourni du matériel et du soutien à de nombreuses luttes de libération en Afrique, y compris en Afrique du Sud. Kwayana s'est finalement brouillé avec le gouvernement de Burnham en raison de la corruption qui y régnait. Dans le cadre de la préparation du sixième congrès panafricain, l'ASCRIA a participé à la formation du "Caribbean Liberation Steering Committee". Outre Kwayana, le comité comprenait Makandal Daaga et Khafra Kambon de Trinidad, Tim Hector d'Antigua, Bobby Clarke de la Barbade et Maurice Bishop de la Grenade. Burnham a obtenu du gouvernement tanzanien qu'il interdise l'accès des organisations non gouvernementales au Congrès panafricain afin d'empêcher les membres du Comité directeur de libération des Caraïbes d'assister au Congrès en Tanzanie. Le fait d'empêcher les panafricanistes caribéens d'y participer faisait partie des efforts de Burnham pour contrecarrer les activités panafricaines de l'ASCRIA. Burnham est également allé jusqu'à déporter deux Afro-Américains, Mamadou Lumumba et Shango Umoja, en raison de leurs liens avec l'ASCRIA. L'ASCRIA fusionnera plus tard avec d'autres organisations au Guyana pour former la "Working People's Alliance" (WPA). Lorsque Rodney est rentré au Guyana après avoir enseigné en Tanzanie, il a rejoint la WPA et s'est engagé dans la lutte contre la dictature de Burnham. C'est pourquoi il est ridicule d'utiliser le visage de Rodney pour promouvoir un congrès panafricain organisé par une dictature. La lutte de Rodney au Guyana était une lutte contre une dictature qui se drapait dans le panafricanisme. Il s'est battu contre ce que le gouvernement du Togo fait aujourd'hui. Ce 9ème congrès panafricain au Togo est organisé par certains des éléments qui représentent la négation même du panafricanisme. Source : https://dwomowale.medium.com/togos-9th-pan-congress-is-what-walter-rodney-warned-about-9c614fddf0a5 Mercredi, l'opposition togolaise a tenté d'organiser une conférence de presse sur la nouvelle constitution du Togo. L'événement a été interrompu par la police, ce qui est devenu une pratique courante au Togo. La nouvelle constitution donne désormais au parlement togolais le pouvoir d'élire le président de la nation. Les dirigeants de l'opposition togolaise et les activistes politiques reconnaissent à juste titre que cette décision porte un nouveau coup à la démocratie au Togo. Une caractéristique de la dictature togolaise sur laquelle j'ai souvent attiré l'attention est le fait que le régime ne renforce pas seulement sa propre position en sapant les institutions démocratiques, mais qu'il tente également de présenter une image très favorable et progressiste de lui-même à l'échelle internationale. Alors que la dictature togolaise cherche à consolider son pouvoir en démantelant la constitution, elle cherche également à s'aligner sur le panafricanisme, étant donné que le panafricanisme a été historiquement une force très progressiste en Afrique. Ma première introduction à la politique togolaise s'est faite dans le cadre de mes recherches sur le panafricanisme. Je suis tombé sur le nom de Tavio Amorin. Il était le secrétaire général du Parti socialiste panafricain au Togo. J'ai découvert que Tavio Amorin était un leader politique qui a été impitoyablement assassiné par Gnassingbé Eyadéma parce qu'il avait osé défendre une vision du Togo et de l'Afrique dans laquelle les masses étaient autonomisées au lieu d'être opprimées par une dictature oppressive. La lecture de Tavio Amorin a également été ma première introduction à Eyadéma. YouTube : https://youtu.be/L2WkqqD24PM YouTube : Teaser of the documentary - Tavio Amorin "like he used to say" J'ai découvert le nom de Tavio Amorin lorsque j'étais étudiant. C'était vers 2011. Tavio Amorin m'est revenu à l'esprit des années plus tard lors des manifestations de 2017 au Togo. Les années de travail de plaidoyer que j'ai effectuées pour le peuple togolais depuis 2017 m'ont permis de constater qu'il existe un esprit panafricain très fort au sein du peuple togolais. Certains des panafricanistes les plus engagés que j'ai connus ont été les camarades togolais que j'ai rencontrés dans le cadre de mes activités de plaidoyer. C'est pourquoi le Congrès panafricain qui se tient à Lomé doit être considéré comme un affront pour les panafricanistes sérieux. Le site web du 9e Congrès indique : "Le panafricanisme, qui est une vision de l'unité et de la souveraineté politique, économique et culturelle de l'Afrique et de ses peuples, est un mouvement qui s'adapte aux exigences de l'époque. Il est pertinent aujourd'hui comme il l'était hier. C'est un paradigme de survie face aux systèmes d'oppression et d'exploitation, tels que le racisme, l'esclavage, le colonialisme, l'apartheid, les brutalités policières, le néocolonialisme et le néolibéralisme. La destruction des statues et symboles de la suprématie blanche suite à l'assassinat de George Floyd par un policier blanc le 25 mai 2020 aux États-Unis a donné un coup de fouet au panafricanisme dans le contexte de l'universalisation du mouvement Black Lives Matter et d'un mouvement mondial multiracial pour la liberté et la justice. Le panafricanisme connaît une résurgence due à plusieurs facteurs, notamment l'avènement d'Internet, des nouvelles technologies de l'information et des réseaux sociaux, qui contribuent à une circulation plus rapide de l'information sur les initiatives panafricaines." Il est insultant de voir une telle chose écrite à propos d'un congrès organisé au Togo. Le gouvernement du Togo est la définition même du néocolonialisme. Eyadéma était un soldat qui a servi l'armée coloniale française, aidant la France dans la lutte contre les mouvements d'indépendance anticoloniaux en Algérie et en Indochine française. Le régime togolais est un régime néocolonial. Il est également insultant de voir l'article parler de l'avènement de l'internet et des réseaux sociaux, comme si le régime actuel du Togo ne violait pas les droits de ses citoyens en leur refusant l'accès à l'internet. Je reconnais que le meurtre de George Floyd a certainement donné un coup de fouet au panafricanisme, car les Africains du monde entier se sont rassemblés pour dénoncer le traitement brutal de nos frères et sœurs afro-américains aux mains de la police aux États-Unis. De même, nous devons nous rassembler pour condamner le traitement brutal de nos frères et sœurs togolais aux mains de la police au Togo. Ce que l'article a omis de dire, c'est que les manifestations de 2017 au Togo ont également donné un coup de fouet au panafricanisme. J'ai écrit dans "Faure Must Go" que mon objectif était de reconstruire le mouvement panafricain. L'esprit de résistance et de fierté que j'ai vu de la part du peuple togolais en 2017 a été une grande source d'inspiration pour moi, alors quand j'ai commencé l'effort de reconstruction du panafricanisme en 2017, le Togo a été la première cause dans laquelle je me suis impliqué et je l'ai été depuis. Depuis 2017, mon travail pour aider à libérer le Togo a été au centre de tout mon travail panafricain. Il a été mentionné dans la plupart des livres que j'ai publiés depuis que j'ai publié "Faure Must Go". C'est une cause que j'ai introduite dans toutes les organisations panafricaines dans lesquelles j'ai été impliqué. J'ai été un défenseur si ardent du Togo qu'on m'a souvent pris pour un Togolais. Je répondrais en notant que je ne suis pas né au Togo, mais que je peux très bien y avoir des racines ancestrales. Je crois fermement que le Togo jouera un rôle important dans le renouveau du panafricanisme, mais seulement grâce à l'exemple que le peuple togolais a donné dans sa courageuse lutte pour la libération. C'est pourquoi j'invite tous ceux qui sont attachés au renouveau du panafricanisme à apporter leur soutien à la lutte pour la libération du Togo. Source : https://dwomowale.medium.com/the-9th-pan-african-congress-in-lome-is-an-affront-to-pan-africanism-0ec585b0fa55 Un panafricanisme renouvelé doit s'opposer aux forces néocoloniales qui oppriment nos peuples4/4/2024 Henry Sylvester Williams a organisé une conférence panafricaine en 1900. À l'époque, Williams n'envisageait pas le panafricanisme comme un mouvement anticolonial, mais c'est dans cette direction que le mouvement panafricain s'est finalement orienté. W.E.B. Du Bois, qui a participé à la conférence de 1900, a ensuite organisé une série de congrès panafricains qui ont plaidé en faveur de l'autonomie des colonies d'Afrique. Le cinquième congrès panafricain, qui s'est tenu en 1945, a joué un rôle particulièrement important dans l'avancement de la lutte anticoloniale. Kwame Nkrumah a été le co-secrétaire du cinquième congrès. Nkrumah allait devenir une figure de proue de la lutte anticoloniale en Afrique. Il est important de retracer cette histoire car le panafricanisme a été un aspect central du mouvement anticolonial en Afrique. Il est également vrai que le panafricanisme est un mouvement qui a historiquement plaidé pour l'unité des peuples africains à travers le monde. En tant que tel, le panafricanisme a été ouvert à une variété d'approches et de visions idéologiques différentes. C'est pourquoi Kwame Ture a affirmé que le panafricanisme n'était pas une idéologie, mais un objectif. Il faisait remarquer que tous ceux qui se réclament du panafricanisme ne partagent pas nécessairement la même idéologie. Walter Rodney a fait valoir un point de vue similaire lorsqu'il a expliqué : "Il ne suffit pas d'affirmer que son idéologie vient du fait que l'on se dit défenseur du pouvoir noir ou nationaliste noir. C'est pourquoi les gens peuvent parler de l'idéologie du nationalisme noir ou de l'idéologie du panafricanisme, comme si le panafricanisme lui-même était une idéologie pure, ou que tous ceux qui se disent panafricains avaient la même idéologie." Cela m'amène à évoquer le gouvernement du Togo, qui a récemment lancé un appel à la participation à un congrès visant à renouveler le panafricanisme, comme le montre l'image ci-dessous : Cet appel est franchement hypocrite de la part du régime togolais. Il s'agit d'une dictature militaire qui s'est installée au pouvoir après avoir assassiné Sylvanus Olympio. Alors qu'Olympio était un militant anticolonialiste qui voulait que sa nation soit réellement indépendante du colonialisme français, Gnassingbe Eyadema était un serviteur du colonialisme français. Il a servi les Français en Indochine française et en Algérie, où il a combattu les luttes de libération anticoloniales. En tant que dictateur au Togo, Eyadema a violemment servi les politiques coloniales françaises. Il est également responsable de l'assassinat de Tavio Amorin, qui était un ardent défenseur de la cause panafricaine.
Aujourd'hui, le fils d'Eyadema appelle au renouveau du panafricanisme. Ce n'est rien d'autre qu'un acte d'opportunisme de la part d'un régime qui lutte pour sa légitimité. Faure Gnassingbé ne sera certainement pas le premier néocolonialiste à embrasser le panafricanisme en quête de légitimité. Joseph Mobutu en République démocratique du Congo prônait l'unité africaine, mais la vision de Mobutu n'était pas celle de Patrice Lumumba. De même, le panafricanisme de Faure n'est pas le panafricanisme anticolonial de Tavio Amorin. Le panafricanisme de Faure est ancré dans l'opportunisme et l'oppression impitoyable du peuple togolais. Faure n'est pas le seul à faire preuve d'opportunisme. Toutes sortes de charlatans opèrent aujourd'hui sous le couvert du panafricanisme. L'exemple le plus récent est celui d'un homme qui se fait appeler "Pan-Africanism Strikes Back" (le panafricanisme contre-attaque). Ce soi-disant panafricaniste soutient que Donald Trump est le seul espoir des Afro-Américains. YouTube : https://youtu.be/ffw156zgozg YouTube : Donald Trump is black America’s only hope/dominates Super Tuesday. Il faut en effet un renouveau du panafricanisme et ce panafricanisme renouvelé doit être un mouvement révolutionnaire et anticolonial qui cherche à libérer les peuples africains des forces qui les oppriment dans le monde entier. Ce panafricanisme renouvelé ne viendra jamais des opportunistes qui utilisent le panafricanisme pour dissimuler le fait qu'ils s'alignent sur les racistes qui haïssent les Africains. Source : https://dwomowale.medium.com/a-renewed-pan-africanism-must-oppose-the-neo-colonial-forces-which-oppress-our-people-86a023f6317b Entretien avec Gérald Horne, historien et militant (première partie).
Traduit de l’anglais par Anthony Ballas. Le texte qui suit est la retranscription d’un webinaire intitulé “lutte de libération noire et Palestine : la solidarité anticoloniale d’hier à demain”, co-organisé par la Ligue Panafricaine-Umoja, le Parti Révolutionnaire de tous les Peuples Africains (PRTPA), Dar al Janub, Hood Communist, Black Alliance for Peace, et Actvist News Network. Le Webinaire s’est tenu le 27 janvier 2024. Au cours de cet entretien, Gerald Horne, historien et militant, retrace les liens de solidarité des mouvements de libération noire avec la lutte du peuple palestinien pour l’autodétermination et contre le colonialisme (de peuplement) sioniste. Horne analyse cette relation d’un point de vue historique, mais aussi au regard du contexte actuel, à savoir la campagne génocidaire en cours contre les populations de Gaza et de Cisjordanie. Cette interview, initialement diffusée en anglais sur la chaine Youtube de Activist News Network, a été retranscrite et traduite en français par Anthony Ballas, professeur d'anglais à l'université du Colorado (Denver), écrivain et animateur de l’émission De Facto podcast, dont Gerald Horne est un invité fréquent. En collaboration avec Horne, Antony Ballas édite actuellement un recueil d'entretiens sur la vie et l'œuvre de l’historien militant. *** Iman Shaker (Dar al Janub) : Bonjour Dr Gerald Horne et merci beaucoup d’avoir accepté je vous joindre à nous pour ce webinaire. Gerald Horne : Merci de m’avoir invité Erica Caines (Black Alliance for Peace) : Gerald Horne est historien et militant politique. Il est titulaire de la chaire Moore d’histoire et d’études afro-américaines à l’Université de Houston. Il est l’un des auteurs les plus prolifiques de notre époque – j’ajouterais même qu’il est « l’historien du peuple ». Il a écrit plus de 40 livres sur un large éventail de questions, notamment l’internationalisme noir, les industries musicale et cinématographique, l’impérialisme, le colonialisme de peuplement et la suprématie blanche. Parmi ses derniers ouvrages, nous pouvons citer Revolting Capital : Racism and Radicalism in Washington, DC, 1900 to 2000 [un ouvrage analysant les luttes radicales et antiracistes à Washington tout au long du XXe siècle] et Acknowledging Radical Histories [une série d’entretiens avec l’universitaire Chris Steele, autour de l’œuvre de Gerald Horne]. Leonardo Moshe (PRTPA) : Dr Horne est également l’auteur de deux ouvrages dont la parution est prévue en 2024 : I Dare Say: A Gerald Horne Reader [une anthologie des travaux de Gerald Horne], qui sera disponible dans les semaines à venir, et Armed Struggle? : Panthers, Communists, Black Nationalists and Liberals Through the 1960s and 1970s [un ouvrage explorant les relations entre Black Panthers, communistes, nationalistes et libéraux en Californie dans les années 1960 et 1970]. Gerald Horne est également coproducteur de Freedom Now, une émission hebdomadaire panafricaine, internationaliste et anti-impérialiste diffusée sur KPFK 90.7 FM, tous les samedis à partir de 11 heures du matin (heure standard du Pacifique). L’émission est disponible sur kpfk.org ainsi que sur la chaîne YouTube de Activist News Network. Iman : Gerald Horne n'est évidemment pas étranger au sujet qui sera abordé aujourd'hui. En effet, lorsqu'il était président de la Conférence Nationale des Avocats Noirs (National Conferenceof Black Lawyers-NCBL) au milieu des années 1980, il était à l'avant-garde de la lutte anti-apartheid aux États-Unis. Et c'est dans ce contexte qu'il s’est fortement investi dans le mouvement de solidarité avec le peuple de Palestine, comme il le rappelle dans son livre intitulé White Supremacy Confronted : U.S. Imperialism and Anti-Communism vs. the Liberation of Southern Africa, from Rhodes to Mandela, dont nous citons des extraits ci-dessous : « À mesure que la collaboration d'Israël avec l'apartheid devenait de plus en évidente, la Conférence Nationale des Avocats Noirs (NCBL, pour son acronyme en anglais) a commencé à soulever des questions approfondies sur cet État colonial, ce qui a conduit à des réprimandes de la part de dirigeants noirs, à l’image de Vernon Jordan (futur banquier d'affaires) et Benjamin Hooks, un initié du Parti républicain qui dirigeait alors l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur (National Association for the Advancement of Colored People, NAACP, en anglais). Ces derniers qualifiaient alors la solidarité avec les Palestiniens de « spectacle secondaire », tandis que la NCBL critiquait « la remarque de Hooks suggérant que les Noirs devraient laisser les affaires étrangères au Département d’État »; ce qui était l’essence même du marché ayant simultanément conduit à l’écrasement de [Paul] Robeson et au déclin du système Jim Crow, alors en pleine agonie. Il est intéressant de noter qu'à mesure que les Afro-Américains s'exprimaient plus vigoureusement sur la Palestine et sur la collaboration d'Israël avec le régime d’apartheid [en Afrique du Sud], les articles sur le prétendu "antisémitisme noir" se sont multipliés (bien que la véritable ferveur antijuive de Pretoria n'ait que rarement été évoquée dans la presse traditionnelle). »(P. 615-616) Nous allons maintenant passer à la première question, qui porte sur des événements plus récents, à savoir l'inculpation d'Israël par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ); un développement historique très profond. Dr Horne, pendant que nous étions en train de préparer ce webinaire, le gouvernement sud-africain a pris une décision qui a surpris beaucoup de monde ; à savoir l’inculpation de l’État d’Israël devant CIJ pour génocide contre les Palestiniens. Lors une interview accordée à Radio Sputnik, lors du programme Critical Hour, au début de ce mois, vous avez déclaré qu’il s’agissait d’un « développement historique profondément significatif. » Pourriez-vous expliquer ce que vous entendiez par-là? Gerald Horne : Merci. Ce que je voulais dire par là, c'est que, vous vous souviendrez que c'est en 1652 que des freebooters [flibustiers], des pirates et des exploiteurs en provenance des Pays-Bas, -d’ailleurs, beaucoup d’entre eux venaient de la Haye-, ont débarqué sur la pointe sud de l'Afrique pour coloniser cette terre. Et pourtant, voilà qu'en 2024, de nombreux descendants de ceux qui avaient été exploités à partir de 1652, étaient retournés à La Haye pour ordonner l’inculpation de l'État colonial connu sous le nom d'Israël, en raison de ses déprédations et de sa campagne génocidaire contre les habitants de Gaza. Nous savons tous, et vous l’avez rappelé en citant un passage de mon livre [White Supremacy Confronted], qu’Israël, avant 1994, était l’un des principaux soutiens du régime d’apartheid. Cela se produisait malgré le fait que lorsque l’État d’Israël a été créé vers 1947-1948, il était censé contribué à l’élévation du peuple juif à travers le monde. Mais d’une manière ou d’une autre, cela n’a pas empêché Israël de collaborer avec le régime d’apartheid, y compris en matière de collaboration nucléaire. Rappelons qu'Abba Eban [né en Afrique du Sud en 1915, diplomate et ministre des affaires étrangères d’Israël de 1966 à 1974,] était également l'un des principaux dirigeants de la communauté juive sud-africaine, avant 1994. Il s'est distingué, après 1967, en devenant notamment ministre des Affaires étrangères d'Israël. Il se rendait alors fréquemment aux États-Unis, contribuant ainsi à consolider les liens émergents entre l'impérialisme américain et l’État colonial d’Israël. Ce qui est encore plus curieux et remarquable dans cette relation entre le Israël, « l’État juif », et l’Afrique du Sud, c’est que l’une des ironies de l’apartheid sud-africain est qu’il était censé – comme je l’indique dans le livre que vous avez cité– un État suprémaciste blanc. Mais il n’était pas nécessairement coopératif et favorable à la communauté juive sud-africaine… En d’autres termes, c’était un État qui incarnait la ferveur anti-juive. Comme je le souligne dans le livre, si vous prenez l’exemple des États-Unis, ils ont bien mieux réussi à intégrer leur communauté juive dans les « salles sacrées de la blanchité », en particulier pendant la guerre froide. Au cours de cette période [la guerre froide], nous avons assisté à un retrait douloureux des aspects les plus horribles de la ferveur anti-juive, de la même manière que nous avons assisté au retrait douloureux des aspects les plus horribles de Jim Crow, dans un contexte de rivalité avec le camp socialiste. En effet, les États-Unis avaient du mal à gagner les cœurs et les esprits dans le cadre de la compétition avec Moscou et ses alliés tant que l’apartheid états-unien persistait. Cela a eu un impact particulièrement néfaste, en particulier sur la communauté noire. Cependant, l’Afrique du Sud [sous l’apartheid] n’avait pas réussi à atténuer la ferveur anti-juive, même si, comme nous le nous savons, il y avait des juifs sud-africains qui soutenaient le régime d’apartheid. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer l’homme responsable des poursuites et des persécutions judiciaires contre l’ANC [African National Congress- Congrès National Africain, parti de Neslon Mandela et des ses camarades], il y a plus d'un demi-siècle. [Il s’agit de Percy Yutar, procureur lors du procès de Rivonia, ayant condamné Neslon Mandela, Denis Goldberg et plusieurs de leurs camarades, à plusieurs décennies de prison] Ce matin, le New York Times a publié un article sur la plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la CIJ à la Haye. Sur les 17 juges de la CIJ, 15 ont voté pour et 2 contre, pour réprimander l’État colonial [d’Israël] à cause de sa campagne génocidaire. Les juges ont estimé qu’un génocide était plausible. Certains observateurs suggèrent qu'en ordonnant à Israël d'augmenter l’assistance humanitaire à destination de la population palestinienne de Gaza « de manière efficace et constructive », la CIJ demandait une sorte de cessez-le-feu, même si, pour être tout à fait honnête, les juges n’ont pas explicitement appelé à un cessez-le-feu. Et je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles le Département d’État américain prétend que cette opinion de la CIJ est en phase avec le point de vue de Washington. Le département d’État prétend qu'en n'appelant pas à un cessez-le-feu mais plutôt à une augmentation de l’assistance humanitaire, les juges concordaient fondamentalement avec la position actuelle de Washington. Toujours est-il que l’article que le New York Times a consacré à l’opinion de la CIJ et à cette affaire affirme qu’il avait beaucoup de Juifs, pendant la période de l'apartheid, qui étaient anti-apartheid, ce qui est vrai. Mais ensuite l’article va plus loin en prétendant que beaucoup de ces Juifs qui étaient prétendument anti-apartheid sont maintenant mécontents du fait que l'Afrique du Sud ait porté cette affaire devant la CIJ. C'était là une sorte de tour de passe-passe - comme un tour de magie - car les juifs sud-africains qui sont en colère contre le gouvernement sud-africain pour avoir porté cette affaire devant la CIJ sont les ancêtres et les descendants idéologiques de ceux qui ont coopéré avec l’apartheid; et non les ancêtres et descendants idéologiques de ceux qui se sont opposés à l’apartheid! Quoi qu’il en soit, ce qui est également remarquable dans cette affaire, c’est l’opinion de la communauté noire américaine. Beaucoup d'entre vous le savent déjà, et je l’ai d’ailleurs indiqué il y a quelques instants : afin de mieux rivaliser avec le camp socialiste dans les années 1950, il y a eu cette décision de se retirer des aspects les plus horribles du système Jim Crow [l’apartheid états-unien]. Mais, en contrepartie, les dirigeants internationalistes, dirigés par Paul Robeson – le regretté grand acteur et militant qui fut l’un des premiers et des plus vigoureux militants contre l'apartheid, à commencer par la fondation, en 1937, du Conseil des affaires africaines [Council on African Affairs-CAA] basé aux États-Unis,– ont été sacrifiés. En vertu de ce pacte avec le diable, beaucoup de nos « dirigeants » et organisations ont été réticents à s'exprimer sur les affaires internationales. Le passage de mon livre que vous avez cité, et qui aborde la manière dont la Conférence Nationale des Avocats Noirs a été réprimandée pour s'être prononcée sur la Palestine, est une preuve, parmi tant d’autres, de ce que suis en train de suggérer. C'était il y a quelques décennies, mais cette tendance s'est poursuivie jusqu'en 2024. Vous le voyez, par exemple, à travers les dirigeants de la communauté noire américaine de New York. A l’image du pasteur chrétien et commentateur de télévision, le très bien rémunéré Al Sharpton. Nous pouvons également citer Gregory Meeks (élu du sud-Est de Queens), un des leaders du parti démocrate, ancien président de la commission des affaires étrangères à la Chambre des Représentants, ou encore, Hakeem Jeffries, chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, pressenti comme futur président de la Chambre, et connu à Wall Street sous le nom de «Hakeem The Dream » [« Un rêve nommé Hakeem »] mais que beaucoup d’entre nous connaissons sous le nom de « Hakeem the Nightmare » [« Un cauchemar nommé Hakeem »]... Nous pouvons également citer le maire de New York, Eric Adams, qui est également d’origine africaine. Ils sont tous pro-israéliens! Mais je suis heureux de dire que ce n'est pas nécessairement le cas pour tous les dirigeants de la communauté noire; ce n’est pas nécessairement le cas de tous les membres noirs du Congrès américain et de la Chambre des représentants. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est juste de dire que même si la communauté noire, dans son ensemble, a été, dans une certaine mesure, à l’avant-garde du mouvement de contestation contre cette campagne génocidaire à Gaza, il reste encore beaucoup à faire. Et maintenant, permettez-moi de tirer mon chapeau à la Black Alliance For Peace - qui est représentée dans ce panel- pour ce qu'elle a cherché à faire à propos du génocide à Gaza. Je vais donc m'arrêter là, pour le moment, en attendant la prochaine question. Iman : Merci professeur Gerald Horne. Avant d’analyser de manière plus approfondie les relations entre les mouvements de libération noire et la Palestine, nous aimerions commencer par une question sur les spécificités du sionisme en tant que projet de colonisation de peuplement. En tant qu'universitaire ayant beaucoup écrit sur le colonialisme de peuplement dans divers contextes (en Amérique du Nord, en Afrique orientale et australe, dans l’Asie-Pacifique), nous souhaiterions vous demander quelles sont, selon vous, les similitudes entre le colonialisme de peuplement sioniste et d'autres projets coloniaux de peuplement, par exemple en termes d’expulsion des habitants autochtones et de confiscation de leurs terres ? Quelles sont deux ou trois caractéristiques principales qui distinguent le sionisme de projets coloniaux de peuplement « classiques »? Gerald Horne : Eh bien, en ce qui concerne le colonialisme de peuplement en général, si vous prenez l’exemple de l'Amérique du Nord, [cela] implique, en premier lieu, une liquidation de la population autochtone. Si vous prenez la page 26 du livre que j’ai écrit sur le Texas [The Counter-Revolution of 1836 : Texas Slavery & Jim Crow and the Roots of U.S. Fascism] il y a quelques années, vous verrez que rien qu’au Texas, des douzaines de groupes indigènes, qui ont été dénommés « tribus » aux États-Unis, ont été liquidés. L’autre jour, je réfléchissais à la possibilité de porter plainte pour génocide contre les États-Unis devant la CIJ. Mais ensuite, j'ai commencé à me demander comment des groupes qui avaient été liquidés pouvaient porter plainte pour génocide alors qu’ils ont tous disparu. Peut-être qu’il y a une disposition, dans la Convention sur le génocide de 1948 que j’ignore et qui pourrait permettre d'intenter une action au nom d'un groupe ethnique anéanti? Ainsi, en Amérique du Nord, la population indigène a été liquidée. Ensuite, des Africains réduits en esclavage – c'est-à-dire des Africains kidnappés – ont traversé l'Atlantique pour être réduits en esclavage en Amérique du Nord, et en particulier pour contribuer à la culture du coton, qui a ensuite été transporté de l'autre côté de l'Atlantique, vers les usines de l'ancien maître colonial, c’est à dire la Grande-Bretagne. Si vous prenez l’exemple de l’Australie, ce qui s’est passé à partir de 1788 – et ce n’est pas une coïncidence puisque, dès 1788, la Grande-Bretagne avait perdu le contrôle de ses colonies au sud du Canada qui formèrent ensuite les États-Unis d’Amérique – et donc, Londres avait besoin d’un un autre territoire dans lequel elle pourrait déverser sa population pauvre, qui pourrait alors se transformer en colons et, avec un peu de chance et beaucoup de détermination, devenir elle-même des exploiteurs. Ainsi, après la perte de ces colonies nord-américaines, Londres a commencé à envoyer ces colons, dont beaucoup étaient irlandais d’ailleurs, ce qui est plutôt ironique étant donné que, dans un certain sens, on pourrait appeler l’Irlande la première colonie de l’Angleterre. Quoi qu’il en soit, en arrivant en Australie vers 1788, ils commencèrent à liquider la population indigène d’Australie et/ou à la chasser de ses terres. Si vous prenez l’exemple de l'Afrique du Sud, à partir de 1652, comme je l’ai déjà indiqué, il y avait principalement les Néerlandais, qui ont été rejoints, à partir du XVIIe siècle, par des protestants français expulsés par l’élite catholique. C'est pourquoi vous retrouvez des noms de famille à consonance française, comme « Duplessis » , dans la communauté dite « Afrikaner ». Et ces deux groupes [Néerlandais et Huguenots, protestants français] commencent alors à liquider la population indigène et à la chasser de ses terres. En revanche, ils étaient particulièrement déterminés à exploiter le travail de la population indigène, ce qui, bien sûr continue, dans une certaine mesure, encore aujourd’hui. Si vous prenez l’exemple de la Palestine historique, ce qui s’est passé, à la fin du 19e siècle, c’est la montée du mouvement sioniste tel qu’expliqué par Théodore Herzl ; l’idée était que la ferveur anti-juive, communément appelée antisémitisme, ne pouvait pas être éradiquée. Cet antisémitisme a été alimenté, par exemple, par l’affaire Dreyfus en France, où un officier militaire français avait été accusé de trahison et il se trouve qu’il était juif. Il y a eu des pogroms contre la population juive dans toute l’Europe, particulièrement en Europe de l’Est, notamment en Pologne et dans la Russie tsariste (la Russie d’avant la révolution d’octobre1917). Mais ce qui est curieux dans le projet sioniste, c'est qu'au moment même où Théodore Herzl affirmait que la ferveur anti-juive ne pouvait être éradiquée, il y avait des migrants juifs aux États-Unis qui effectuaient leur entrée dans les salles sacrées de la blanchité, c'est-à-dire, ce qu'on appelle l'identité américaine blanche. Et il s’agit là d’une tendance de long terme, remontant aux années 1500, et sur laquelle je pourrais revenir, si le temps nous le permet. En 2024, beaucoup d’entre eux se retrouvent aux plus hauts niveaux de la classe dirigeante américaine, y compris des milliardaires (en dollars américains). Cela ne veut pas dire que la ferveur anti-juive a été complètement éradiquée aux États-Unis d'Amérique, et je pourrais faire une digression sur ce point, si cela vous intéresse. Mais nous pouvons affirmer que ce que proclamait Theodore Herzl était sapé et contredit au même où il écrivait ou faisait ses déclarations. C’est-à-dire que les États-Unis démontraient, qu’à travers les moyens diaboliques de la suprématie blanche, il était possible de convertir les Juifs Américains en « Américains blancs », leur permettant ainsi de gravir les échelons de classe. Ainsi, nous constatons également qu'avec la Première Guerre mondiale, la Turquie, la puissance colonisatrice historique en Palestine historique et dans une bonne partie du monde arabe, s’est retrouvée du côté des perdants, ce qui a conduit les vainqueurs, la Grande-Bretagne et la France en particulier, à se tailler la part du lion sur le territoire ottoman, comme s’il s’agissait d’un dîner festif. Et Balfour, un dignitaire britannique, fait une déclaration sur un soi-disant « foyer juif ». Le désir pour ce foyer juif s’intensifie avec l'Holocauste, perpétré par l’Allemagne dans les années 1930 et 1940. Et [à partir de ce moment], des réfugiés juifs vont affluer vers la Palestine historique, ce qui conduit, bien sûr, à cette résolution des Nations Unies censée créer deux États, même si, à ce jour, un seul État a vu le jour; l’«État juif ». Mais ce qui est intéressant, c’est qu’en 2023, malgré le déplacement massif de réfugiés palestiniens, trop nombreux pour être comptés, depuis des villes comme celle que nous appelons Haïfa en particulier; là aussi, comme en Afrique du Sud, il y a eu une forte exploitation de la main-d’œuvre palestinienne. En fait, l'un des problèmes auxquels l'économie israélienne est confrontée depuis le 7 octobre c’est que, en raison du fait que les Palestiniens sont devenus des boucs émissaires et qu’ils sont considérés, en tant que groupe, comme responsables de ce qui s'est passé le 7 octobre, les travailleurs palestiniens, par exemple ceux de Cisjordanie, ne sont plus autorisés à travailler en Israël. Et donc ce qui s'est passé récemment, c'est que le Premier ministre indien Modi a autorisé l'envoi de travailleurs indiens en Israël pour remplacer ces travailleurs palestiniens. Il est intéressant de noter que le Malawi, voisin de l’Afrique du Sud, a également permis aux Malawites de combler le déficit de main-d’œuvre. Mais en résumé, et pour répondre sur le fond, mon opinion est que parmi tous ces régimes coloniaux, ironiquement, les États-Unis d’Amérique sont allés plus loin en termes de liquidation de la population autochtone. En outre, et il s’agit d’un sujet connexe, les États-Unis d’Amérique sont allés plus loin que, disons, l’Afrique du Sud, en essayant d’intégrer la population juive aux plus hauts niveaux de la société, y compris la classe dirigeante. Et bien sûr, beaucoup de ces milliardaires juifs ont un impact très préjudiciable sur la politique américaine aujourd’hui. Des présidents d'université sont maltraités [à l’image de Claudine Gay de Harvard] parce qu’ils ne sont pas suffisamment enthousiastes à l'égard du génocide à Gaza, et contribuent ainsi à placer un tabou sur les groupes pro-palestiniens... En fait, à l'Université Columbia à New York, l'autre jour, il y a eu une attaque chimique contre des manifestants pro-palestiniens sur ce campus basé à Manhattan, à New York. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Voilà une illustration des positions extrêmes que le lobby pro-israélien va adopter pour réprimer et restreindre le soutien à la juste cause des Palestiniens. Donc, en résumé, je dirais qu’en en ce qui concerne le colonialisme de peuplement, il s’est traduit, jusqu’à présent, par l’envoi d’Européens dans des contrées lointaines ; la communauté juive européenne dans le cas d’Israël. Même si, bien sûr, il fut un temps où il était question d’imposer une sorte de colonialisme de peuplement dans la Mandchourie d'avant 1945, dans l’actuelle Chine, sous l’impulsion du Japon impérial. Et je dois également ajouter qu’il y a eu des différences dans les processus de colonisation de peuplement, en particulier en termes d’extermination de la population indigène et d’exploitation de la main d’œuvre indigène. Et, bien sûr, puisqu’on parle de colonialisme de peuplement, j’aurais pu parler du Canada et des différences entre le colonialisme de peuplement au Canada et le colonialisme de peuplement aux États-Unis. L'une des différences est qu’au Canada, des esclaves ont également été importés, mais dans des proportions largement inférieures à celles que l’on trouvait de l’autre côté de la frontière sud. Je pourrais parler également du colonialisme de peuplement en Nouvelle-Zélande, qui est un exemple instructif. En effet, ce voisin de l’Australie, situé de l'autre côté de la mer de Tasman, et qui compte une population relativement petite de cinq à six millions d'habitants, est généralement perçue comme plus progressiste que son voisin, c’est à dire l'Australie. Et l’une des raisons est que la population indigène de Nouvelle-Zélande – et c’est essentiel – était formée de très bons combattants; ils étaient très habiles, notamment dans la guerre des tranchées. Ainsi, malgré les tentatives répétées de liquidation de cette population, celle-ci n'a pas eu lieu au même degré qu'elle a eu lieu de l'autre côté de la mer de Tasman, en Australie. De même, en ce qui concerne les tentatives de déplacement, qui ont été l'alpha et l'oméga du colonialisme de peuplement, leur déplacement n'a pas eu lieu dans la même mesure que de l’autre côté de la mer de Tasman. C'est pourquoi, en Nouvelle-Zélande aujourd'hui, vous avez une population autochtone, une population maorie qui représente environ 15 à 20 % de la population totale. Il est intéressant de noter qu’au fil des décennies, des efforts ont été déployés pour faire de la Nouvelle-Zélande un pays bilingue. Je me souviens que lors de ma visite là-bas, j'ai remarqué que les archives d'État de Nouvelle-Zélande étaient rédigées en anglais et dans la langue indigène [Aotearoa]. Cependant, vous avez maintenant un gouvernement de droite en Nouvelle-Zélande qui est déterminé à revenir sur les progrès réalisés par la population autochtone au fil des décennies. Je m’attends donc à une sorte d’explosion sociale en Nouvelle-Zélande, très prochainement… Pour revenir aux États-Unis, prenons l’exemple d’Hawaï, qui, j'en suis sûr, a dû vous venir à l'esprit… Comment se fait-il que ce territoire qui se trouve à plus de 3 200 km à l'ouest du continent nord-américain, fasse partie des États-Unis d'Amérique? Eh bien, dans les années 1890, après avoir contribué à liquider un bon nombre de populations indigènes sur en Amérique du Nord, l’impérialisme américain entre dans une nouvelle phase et tourne alors son attention vers l’ouest, vers Hawaï, qui, à l’époque, avait un régime assez sophistiqué. Par exemple, les Hawaïens avaient accès à l’électricité et au téléphone, bien avant de nombreux habitants d’Amérique du Nord. Le problème, c’était la géographie. C’est-à-dire qu’à partir des années 1870, les dirigeants hawaïens avaient commencé à tenter de conclure un accord avec le Japon. Aujourd’hui encore, une majorité de la population d’Hawaï est d’origine japonaise, et cela a été perçu, dirons-nous, négativement par Washington, ce qui a conduit au renversement du royaume d’Hawaï dans les années 1890; un prélude à la guerre menée par les États-Unis contre l’Empire espagnol alors chancelant, ce qui lui a permis de s’emparer des Philippines, de Cuba et de Porto Rico. Cela conduira plus tard ensuite à une confrontation avec Tokyo, qui poussera le Japon à bombarder Hawaï en 1941, déclenchant ainsi la guerre du Pacifique. Mais ce qui est intéressant à propos d'Hawaï, jusqu'à nos jours, c'est qu'environ 10 à 15 % de la population de l'archipel est d'ascendance indigène hawaïenne. Ce qui signifie qu’à Hawaï, la taille de la population indigène est équivalente à celle de la population dite « blanche »; la population d'ascendance européenne ou, pour reprendre le terme de la langue hawaïenne, la population « Haole ». Sans surprise, c’est à Hawaï que se trouve le mouvement le plus avancé pour le retour du leadership autochtone hawaïen, et pourquoi pas de la souveraineté hawaïenne ; ce qui pourrait changer la donne, si jamais un tel changement se produisait… Voilà, en somme, un bref résumé des différences entre les colonies de peuplement. Erica : Merci beaucoup pour cet excellent exposé sur le contexte historique. Je pense que c'était nécessaire. A présent, je souhaiterais pivoter légèrement. Historiquement, plusieurs dirigeants des mouvements de libération noire et panafricains ont exprimé une sorte d’admiration ou de soutien au projet sioniste à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, bien avant la création de l’État d’Israël. A titre d’exemple, nous pouvons citer : - Edward W. Blyden qui, dans un article sur ''La question juive'' publié en 1898, a qualifié le sionisme de ''merveilleux projet'' qui devait inspirer les Noirs/Africains. - Marcus Garvey, parfois qualifié de "Moïse noir", et dont l’idéologie était qualifiée de "sionisme noir." En 1919, Marcus Garvey déclarait, lors d’un rassemblement de membres de l'UNIA (Universal Negro Improvement Association), -organisation qu’il a fondée, et une des plus grandes organisations noires de tous les temps- : "Vous vous rendrez compte que l'Universal Negro Improvement Association n'est pas une plaisanterie. C'est un mouvement sérieux. Il est aussi sérieux que le mouvement irlandais pour une Irlande libre; aussi sérieux que la détermination des Juifs à récupérer la Palestine." - La même année, W.E.B Dubois, l'un des pères fondateurs du panafricanisme, mais féroce rival de Marcus Garvey à l'époque, écrivait dans The Crisis, journal de la NAACP que "le mouvement africain représente pour nous ce que le mouvement sioniste doit représenter pour les Juifs : la concentration du travail racial et la reconnaissance de l'existence d'une source raciale." Rétrospectivement, ce soutien ou cette admiration pour le sionisme peut sembler d'autant plus étonnant que l'Afrique, en particulier l’Ouganda, a été considérée, à un moment donné, comme la terre où le projet colonial sioniste pouvait se réaliser. Mais à l'époque, le soutien au projet sioniste était fondé sur une identification des Noirs à la souffrance du peuple juif, en particulier les Juifs d’Europe. Dans ce contexte, comment le sionisme a-t-il servi de modèle de libération des Noirs? D’autre part, 1967 est généralement considérée comme un moment décisif dans le soutien des Noirs à la Palestine. Pourriez-vous parler de l’importance de ces événements, avant 1967, sur la perception d’Israël et du sionisme chez les Noirs qui soutenaient les luttes d’indépendance en Afrique et au Moyen-Orient? Gerald Horne : Eh bien, merci pour cette question. Lorsque vous avez mentionné l'Ouganda, j'ai pensé à la juge qui était en désaccord avec le reste de la CIJ. Il se trouve que cette juge est de nationalité ougandaise. Dans un premier temps, j’ai pensé qu’elle avait exprimé son désaccord parce qu’elle aurait souhaité que la Cour aille encore plus loin que la majorité des juges ayant voté (15 pour, 2 contre). Mais ensuite, je me suis rendu compte que mon hypothèse était inexacte. Et apparemment, elle [la juge ougandaise] a été réprimandée par le président Museveni et son régime à Kampala. Et il sera intéressant de voir ce qui se passera à son retour en Ouganda… Pour en revenir à votre question, je pense que nous pouvons affirmer, comme vous l’avez suggéré, qu'il y avait une compassion considérable pour les masses juives qui souffraient, en particulier en Europe de l'Est, victimes de pogroms. D’ailleurs ces programmes ressemblaient beaucoup aux soi-disant « necktie parties », dont les noirs américains étaient victimes. Il s’agissait de séances de lynchages de Noirs américains au cours desquels ceux qui étaient définis comme « blancs » transformaient l'occasion en une sorte de festival : des trains étaient spécialement affrétés pour se rendre sur les lieux ; les victimes, souvent attachées à un arbre, étaient ensuite découpées ; leurs doigts déchiquetés, excisés et on les retrouvait parfois sur les étagères des cuisines dans les foyers d’Américains « blancs ». Les similitudes, du moins telles qu’elles étaient perçues entre les pogroms et ces lynchages, ont engendré une compassion considérable envers la population juive. Et, comme vous l'avez suggéré, une compassion exprimée par Blyden, par Garvey, etc. Et je pense que nous pouvons également affirmer qu’historiquement, il existe, grosso modo, trois courants idéologiques parmi les Noirs Américains. Bien sûr, ces tendances ont connu plusieurs évolutions (tantôt en s’accentuant, tantôt en s’atténuant) au fil des décennies, en particulier au XXe siècle. Vous avez ainsi un courant nationaliste, représenté par Blyden et Garvey, au moins avant, disons, 1956. En effet, 1956 constitue un autre tournant historique, car c’est l’année où Israël s’associe à la Grande-Bretagne et à la France pour attaquer l'Égypte de Nasser en vue de prendre le contrôle du canal de Suez. A partir de 1956, la Nation of Islam, comme on l’appelle aujourd’hui, s’est retournée contre Israël, notamment sous l’impulsion de son étoile montante et porte-parole de l’époque, Malcolm X. Il est d’ailleurs intéressant de noter que beaucoup des dirigeants de la Nation of Islam avait été emprisonnés pendant la seconde guerre mondiale en raison de leurs positions pro-Tokyo. Et, bien sûr, nombre de leurs compagnons de route s’identifiaient tellement au Japon, qu’ils ne se considéraient non pas comme des descendants d’ « Africains » mais plutôt des descendants d’ « Asiatiques ». Toujours est-il que jusqu’en 1956, comme vous l’avez suggéré, il y avait une compassion considérable au sein de la communauté nationaliste noire pour le sionisme. Beaucoup d’entre eux se considéraient comme marchant sur les traces du sionisme et désiraient une sorte de foyer [noir]. D’ailleurs, dans ma litanie sur le colonialisme de peuplement, j'aurais pu inclure le Libéria, l'État africain indépendant en Afrique de l'Ouest, créé par des éléments pro-esclavagistes en Amérique du Nord, il y a environ 200 ans, comme dépôt ou réceptacle pour les Noirs non-esclaves. Nombreux étaient ceux qui, en Amérique du Nord, souhaitaient que les Noirs y soient expulsés. Bien sûr, leurs rencontres souvent brutales avec la population indigène du Libéria, en particulier les Krus, constituent l'un des épisodes les moins glorieux de l'histoire afro-américaine… Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le nationalisme noir, il y avait de l’empathie pour le projet sioniste ; le Libéria étant considéré, notamment par Garvey, comme une sorte d’exemple à suivre pour les Noirs américains... Et puis il y avait un courant de gauche, incarné par Paul Robeson et W.E.B Du Bois, qui étaient tous les deux très favorables à la formation de l’État d’Israël vers 1947-1948. Une des explicitations [de ce positionnement] réside dans le fait que le camp socialiste, en particulier l’Union soviétique, a reconnu très tôt Israël. Comme vous le savez, puisque vous vivez aux États-Unis, il existe un discours très énergique dénonçant l’Union Soviétique et dénonçant Joseph Staline, leur chef, mais d’une manière ou d’une autre, le soutien de Staline et de Moscou à la création de l’État d’Israël n’entre jamais dans cette conversation... En outre, vous devez savoir qu’avant le déclin de Jim Crow, l’apartheid états-unien, à partir des années 1950, il existait une sorte d’alliance entre des Juifs Américains radicaux et des Noirs Américains radicaux dans les rangs du parti communiste américain. Et, bien sûr, avec le déclin de Jim Crow dans les années 1950, on assiste de manière simultanée au déclin des aspects les plus horribles de la ferveur anti-juive. Ce processus a débouché sur le départ de nombreux Juifs Américains des rangs du Parti communiste américain, du radicalisme et du libéralisme, dans lequel beaucoup d’entre eux continuent d’évoluer. D’autre part, beaucoup de membres de la gauche noire, au moins jusqu'en 1947-1948, étaient plutôt favorables au projet sioniste, leur position était influencée par Moscou et par les horreurs de l'Holocauste, etc. Enfin, il y avait le courant libéral, qui a connu son apogée – et je suppose que l’on pourrait même dire que cette apogée se poursuit encore de nos jours- disons, à partir de 1954, lorsque les États-Unis ont commencé à renoncer officiellement à la suprématie blanche en tant que système parrainé par l’État [décision de la cour suprême des Etats-Unis, Brown v. Board of Éducation, rendant illégale le système de ségrégation raciale]. D’ailleurs, cette année, nous célébrons les 70 ans de cette décision historique de la Cour suprême américaine. Les libéraux noirs étaient bien évidemment favorables à Israël et au sionisme, en dépit des horreurs des guerres de 1956, 1967 et 1973. Même jusqu’à aujourd’hui ; ils sont restés relativement muets – et c’est le moins qu’on puisse dire-, en ce qui concerne les déprédations actuellement perpétuées dans la Palestine historique. Ils se cachent sous leur bureau lorsque des journalistes militants sollicitent leurs commentaires sur la guerre d’agression israélienne... Cependant, et il s’agit là d’un sujet qui fait l’objet d’une attention croissante dans la recherche universitaire, je ne pense pas que l’on puisse comprendre ce qui précède - ce que je viens de dire à propos de la relation entre les Noirs Américains et les Juifs Américains-, sans comprendre la relation entre les Noirs Américains et les Américains d’origine arabe, en particulier, à partir de 1860, lorsque des troubles massifs ont éclaté dans ce qui est aujourd'hui la Syrie. À partir de cette date, on assiste à un exode massif de populations d’origine arabe vers les Amériques ; et pas seulement vers les États-Unis d’ailleurs. A la fin du XIXe siècle par exemple, il y avait plus d’Arabes qui immigraient vers l’Argentine que vers les États-Unis. Vous avez probablement entendu parler de Carlos Menem, l'ancien président de l'Argentine, qui, bien sûr, était d'origine arabe. Souvent, les relations entre les Arabes Américains et les Noirs Américains n’étaient pas idéales, et c’est le moins que l’on puisse dire… Ce que je veux dire par là, c’est que les États-Unis étaient un régime d’apartheid dans lequel la citoyenneté était attribuée sur la base de l’identification en tant que « blanc ». De plus, la « blanchité », telle qu’elle avait été conçue, était , dans une certaine mesure, fortement imprégnée d’anti-noirceur, et en particulier l’hostilité envers les descendants d’esclaves africains aux États-Unis. Comme vous le savez sans doute, l’esclavage a été aboli en 1865 aux États-Unis, sans que les esclavagistes ne reçoivent aucune forme de compensation. Vous savez que, lorsque Haïti a aboli l'esclavage en 1804, Haïti a été obligée de payer des réparations aux anciens esclavagistes à partir des années 1820 ; ce qui a paralysé l'économie d'Haïti jusqu'à aujourd'hui, puisqu'ils ont dû s’endetter pour payer les réparations aux esclavagistes français. Lorsque l’esclavage fut aboli dans les Caraïbes britanniques (Jamaïque, Barbade, Trinité-et-Tobago, dans ce qui est aujourd’hui la Guyane, etc.,) Londres chercha alors à indemniser les esclavagistes pour compenser la perte de leur investissement. En fait, ils ont continué à indemniser les descendants de ces esclavagistes jusqu’en 2015, il y a à peine une dizaine d’années… Aux États-Unis, les esclavagistes ont été expropriés sans compensation; ce qui a bien sûr plongé une grande partie des familles des esclavagistes dans la pauvreté et a également engendré une hostilité féroce à l'égard de leurs anciens investissements, c’est-à-dire mes ancêtres… Alors, que se passe-t-il lorsque ces Arabes Américains commencent à arriver sur ces côtes? Eh bien, étant donné que la citoyenneté états-unienne est basée sur la « blanchité », de nombreux Arabes Américains entament des procédures judiciaires et font pression pour être considérés comme des membres de la « communauté blanche ». Et ces efforts seront partiellement couronnés de succès. Il y a par exemple un livre de Sarah M. A. Gualtieri intitulé Between Arab and White, publié aux presses universitaires de l’Université de Californie en 2009, qui analyse de ce processus. Et, comme le titre le suggère, la population arabo-américaine n’était pas tout à fait « blanche », mais dans l’ordre hiérarchique racial américain, elle se trouvait certainement au-dessus de la communauté noire. Par conséquent, nombre d’entre eux se sentaient obligés d’adhérer, dans une certaine mesure, à l’anti-noirceur. Cela a évidemment compliqué et complexifié les relations entre les Arabes Américains et les Noirs Américains. Il faut toutefois préciser, et c’est assez intéressant, que dès 1917, lorsque la Déclaration Balfour promettant un foyer juif en Palestine historique avait été promulguée, des Arabes Américains ont organisé plusieurs manifestations. Il n’y a pas de documents indiquant qu’ils ont été rejoints, dans leurs protestations, par des Noirs Américains. Mais cela ne me surprend pas, compte tenu de la relation préexistante entre Noirs Américains et Juifs Américains que nous avons décrite plus haut, mais aussi parce de nombreux Arabes-Américains cherchaient à se faire admettre dans les salles sacrées de la blanchité… Comme vous le savez probablement, ce processus a été accéléré, dans une certaine mesure, par le fait qu'il y avait une proportion importante de chrétiens libanais ou syriens, qui traversaient l'Atlantique. Et les croyances religieuses de ces derniers ont contribué à accélérer leur intégration dans le monde des salles sacrées de la blanchité. Pensez à Ralph Nader, l'éminent homme politique et militant, aujourd’hui très âgé, qui est d’origine chrétienne libanaise. Pensez à Casey Kasem, qui était très populaire à la télévision américaine, il y a quelques années, comme guide de musique populaire pour adolescents. Aujourd'hui encore, pensez à Hoda Kotb, qui est l'une des animatrices de télévision les plus populaires aux États-Unis. Elle anime une émission télévisée tous les matins aux États-Unis avec Jenna Bush, la fille de l'ancien président George W. Bush ! Kotb est d’origine égypto-copte et, bien sûr, elle est définie comme « blanche ». Vous pouvez aussi prendre l’exemple de la femme que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « reine Noor » de Jordanie, anciennement connue sous le nom de Lisa Halaby. Eh bien, son père, Najeeb Halaby, était d’origine arabe et il est devenu membre de la classe dirigeante américaine. Il était à la tête de la défunte compagnie aérienne Pan-American Airways, qui, à son époque, était le principal transporteur international des États-Unis d'Amérique. Ainsi, en raison de la position raciale et de classe de nombreux membres de la communauté arabe aux Etats-Unis, les Noirs Américains pouvaient difficilement les percevoir comme des membres d’une communauté exploitée en Palestine historique. En effet, du point de vue des Noirs Américains, il s’agissait de personnes qui avaient été intégrées dans les salles sacrées de la blanchité, comme beaucoup de Juifs Américains avant eux. Comme beaucoup de Juifs Américains, nombreux étaient les Arabes Américains qui étaient disposés à payer le « prix du ticket », pour reprendre l’expression de feu James Baldwin, en s’engageant dans l’anti-noirceur, par exemple. Bien sûr, comme vous l’avez suggéré, 1967, l’année de la guerre dite « des Six Jours » a été un tournant. À ce moment-là, aux États-Unis, on assiste à la montée ou à l’efflorescence, devrais-je dire, d’une tendance nationaliste noire incarnée par un homme autrefois connu sous le nom de Stokely Carmichael (qui deviendra Kwame Toure), par le parti des Black Panthers; [un courant nationaliste] qui exprimera sa solidarité envers les les Palestiniens et les Arabes pendant la guerre des Six Jours. Ce qui leur a valu, bien sûr, des critiques acerbes, de la part de nombreuses personnes aux États-Unis... Cette tendance s’est poursuivie en 1973, puis en 1978-1979, notamment lors de l’affaire Andrew Young. En effet, Andrew Young, ancien assistant de Martin Luther King, ancien maire d'Atlanta et ancien membre du Congrès élu d’Atlanta (dans l’État de Géorgie), avait été nommé par le président des États-Unis de l'époque, Jimmy Carter, au poste d'ambassadeur des États-Unis aux Nations-Unies. Suite à une réunion soi-disant « non autorisée » avec des dirigeants de l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine), Young a été limogé. Mais cela n’a pas poussé le courant libéral noir, dont Andrew Young était l’incarnation par excellence, à tourner le dos au sionisme. En revanche, le courant libéral noir a débouché sur Jessie Jackson, ancien camarade de Young -les deux sont d’ailleurs toujours vivants- qui a essayé de nouer des relations avec l’OLP et la population d’origine arabe en général. Et je dirais que ce type de démarche de la part du révérend Jackson a eu un impact positif sur les relations entre Noirs et Arabes, en particulier dans des endroits comme Détroit et Dearborn, dans le Michigan, où il y a une forte concentration d'Arabes-Américains. Et, bien sûr, ces derniers temps, ils font la une des journaux car ils ont juré de faire battre Joe Biden. Voici, donc, un bref résumé qui, je l’espère, contribuera à éclairer votre lanterne. Dans un article intitulé "Why Affirmative Action is White", Bakari Lumumba explique :
"Le passé des Noirs nous enseigne que les périodes de progrès racial en Amérique, qu'elles soient réelles ou perçues comme telles, sont suivies de périodes de repli racial. Par exemple, l'ère de la reconstruction (1865-1877) a abouti au nadir des relations interraciales, le mouvement des droits civiques (1954-1968), auquel a succédé l'accent mis par l'administration Nixon sur la loi et l'ordre, et l'élection historique de Barack Obama en tant que premier président noir de la nation, qui a culminé avec la résurgence des groupes de haine nationalistes blancs (WNHG); une recrudescence de la violence des justiciers blancs (George Zimmerman, Michael Dunn) et des exécutions extrajudiciaires d'Afro-Américains (Sandra Bland, Tamir Rice, George Floyd, etc.) à un rythme qui rivalise avec le premier nadir. Cette résurgence des actes de violence organisés à l'encontre des Afro-Américains et la montée du racisme anti-Noirs sont sans doute dues à la progression perçue des personnes de couleur en Amérique. Les efforts réactionnaires des Américains blancs pour sauvegarder leur statut social présumé menacé sont nés de leur perception d'un écart entre leur statut social attendu et réel et leur pouvoir, ce qui les a amenés à éprouver du ressentiment à l'égard des dispositions sociales actuelles." Dans son article, M. Lumumba explique que le récent arrêt de la Cour suprême sur l'Affirmative Action s'inscrit dans cette tradition de réaction raciste contre la perception du progrès des Noirs aux États-Unis. Comme l'a fait remarquer M. Lumumba, le premier exemple de cette tradition dans l'histoire américaine est l'ère de la Reconstruction. L'ère de la Reconstruction est une période de l'histoire américaine qui a duré de 1865 à 1877. C'est une période de grands changements sociaux, politiques et économiques, alors que le pays tente de se reconstruire après la guerre civile. L'ère de la Reconstruction a été une période de grands espoirs et de promesses pour les Afro-Américains, qui ont enfin eu la possibilité de participer au processus politique et de jouir de certains des droits et libertés fondamentaux qui leur avaient été refusés pendant si longtemps. La guerre de Sécession a été le conflit le plus sanglant de l'histoire des États-Unis, avec plus de 620 000 Américains tués. La guerre a eu un impact profond sur le pays, tant en termes de destruction physique que de conséquences sociales et politiques. Le Sud a été laissé en ruines, avec de nombreuses villes détruites et une économie en ruine. La fin de la guerre a également marqué le début d'une nouvelle ère dans l'histoire américaine, une ère qui serait définie par la lutte pour les droits civiques et l'égalité raciale. Les politiques de reconstruction mises en place après la guerre civile ont eu un impact significatif sur le pays. L'une des politiques les plus importantes a été l'adoption du 13e amendement à la Constitution, qui a aboli l'esclavage sur l'ensemble du territoire des États-Unis. Il a été suivi par l'adoption des 14e et 15e amendements, qui ont accordé la citoyenneté et le droit de vote aux Afro-Américains. Les politiques de la Reconstruction ont également conduit à la création du Freedmen's Bureau, qui a fourni des services d'éducation, de santé et autres aux esclaves nouvellement libérés. Les politiques de la Reconstruction visaient à aider les Afro-Américains à atteindre l'égalité et à reconstruire le Sud, mais elles se sont heurtées à une opposition farouche de la part de nombreux Sudistes blancs. Les Afro-Américains ont joué un rôle essentiel dans le succès de la Reconstruction. Ils ont été élus à des fonctions politiques dans tout le Sud et nombre d'entre eux ont été délégués aux conventions constitutionnelles des États. Les politiciens afro-américains ont joué un rôle clé dans l'adoption de nouvelles lois et politiques qui ont contribué à la reconstruction du Sud et à la promotion de l'égalité raciale. Cependant, le succès des politiciens afro-américains a été de courte durée, car la montée du Ku Klux Klan et d'autres groupes suprémacistes blancs a conduit à l'intimidation et à la violence contre les Afro-Américains. Le Klan a utilisé des tactiques de terreur pour empêcher les Afro-Américains de voter et d'occuper des fonctions politiques, et de nombreux Afro-Américains ont été contraints de fuir leurs maisons et leurs communautés. L'histoire de l'ère de la Reconstruction est instructive pour comprendre la réalité selon laquelle les progrès des Afro-Américains se sont toujours traduits par une réaction raciste en Amérique. Tel est le schéma général depuis 1877. C'est dans ce contexte que l'attaque contre la discrimination positive (affirmative action) peut être comprise comme une attaque contre un programme qui a donné aux Afro-Américains un avantage perçu, même si les chiffres montrent que les femmes blanches ont été les plus grandes bénéficiaires de la discrimination positive (affirmative action). La simple perception que les Afro-Américains progressent ou obtiennent des avantages suffit à provoquer une réaction raciste. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/the-racist-backlash-against-black-progress-8f99365ccbbb La question de l'appropriation culturelle dans la musique rap découle de la perception selon laquelle de nombreux Blancs qui deviennent rappeurs ont peu de respect pour l'histoire et la culture qui sous-tendent la musique rap. C'est ce qui s'est passé en 2014 lorsque Q-Tip a tenté de donner une leçon de hip-hop à la rappeuse blanche Iggy Azalea sur Twitter. Elle a répondu en déclarant : "C'est condescendant de supposer que je n'ai aucune connaissance de quelque chose qui m'influence, mais j'ai aussi grandi avec des étrangers qui supposent cela." Certains pensent qu'Iggy utilise le hip-hop et la culture noire comme un moyen de gagner de l'argent, mais elle ne respecte pas la tradition qu'ils représentent et ne s'en préoccupe pas.
Cela m'amène à parler d'Eminem, qui est l'un des rappeurs ayant connu le plus grand succès commercial dans l'histoire du genre. Il a également réussi à gagner le respect de nombreuses icônes du genre, comme Rakim, qui a déclaré qu'Eminem était l'un de ses MCs préférés. De nombreux fans n'ont cependant pas été impressionnés par le succès d'Eminem dans l'industrie. Stereo Williams a écrit : "Depuis que les Beastie Boys sont devenus multiplatines, de nombreux commentateurs attendent avec inquiétude que le hip-hop soit détourné pour des raisons raciales, qu'un Elvis Presley émerge et arrache soudainement l'image de la musique aux artistes et aux fans noirs. Le hip-hop est un genre musical vieux de 40 ans, qui constitue une industrie mondiale depuis presque aussi longtemps, et il y est parvenu principalement en commercialisant en masse des visages noirs. Mais nous devons comprendre que le détournement a déjà eu lieu. C'est juste qu'il n'a pas vraiment ressemblé à ce qui est arrivé au rock and roll après 1955. Le succès d'un Eminem est un indicateur d'une vérité séculaire - la préférence du public et de l'industrie blancs pour les visages blancs qui vendent l'esthétique noire - mais c'est aussi une preuve de la façon dont ce préjugé racial a façonné les commentaires et la canonisation du hip-hop. Eminem est considéré comme l'un des artistes les plus importants de l'histoire du genre, même si ses albums n'ont pas autant défini le genre que nombre de ses pairs, et que sa musique n'a qu'une influence marginale par rapport à celle de Rakim, 2Pac, Jay-Z ou Kanye. Il est surtout important pour avoir offert aux fans blancs un point d'entrée crédible dans le genre." Ce que Williams voulait dire, c'est que le succès commercial d'Eminem est largement lié au fait qu'il est blanc et qu'il fait appel au désir du public blanc de voir un visage blanc dans un genre qui a été traditionnellement dominé par les Noirs. La question de la race d'Eminem est revenue sur le tapis l'année dernière lorsqu'il a été annoncé qu'Eminem serait intronisé au Rock and Roll Hall of Fame. Le problème que certains ont soulevé est qu'Eminem a été intronisé avant de nombreux pionniers noirs du genre qui l'ont précédé. La race est également devenue un élément central de la querelle entre Nick Cannon et Eminem lorsque Cannon a sorti une chanson critiquant les paroles racistes d'Eminem sur les femmes noires. Les paroles proviennent d'une ancienne chanson d'Eminem dans laquelle il rappe "les filles noires sont stupides et les filles blanches sont de bonnes nanas". Cette chanson a été révélée par The Source. Eminem a publié une déclaration dans laquelle il explique : "La cassette... est quelque chose que j'ai fait sous le coup de la colère, de la stupidité et de la frustration quand j'étais adolescent. Je venais de rompre avec ma petite amie, qui était afro-américaine, et j'ai réagi comme le gamin en colère et stupide que j'étais. J'espère que les gens le prendront pour la bêtise qu'il était, et non pour ce que quelqu'un essaie d'en faire aujourd'hui". Non seulement Eminem a pris publiquement ses distances avec cette ancienne chanson, mais il a également sorti une chanson intitulée "Untouchable", qui critiquait le privilège blanc. Eminem a également dénoncé Donald Trump comme étant un raciste. Cela démontre peut-être qu'Eminem a dépassé les opinions racistes de sa jeunesse pour devenir quelqu'un qui reconnaît et dénonce le racisme des Blancs à l'égard des Noirs, mais il y a aussi le fait que dans "Yellow Brick Road", Eminem accuse X Clan d'être raciste. Dans cette chanson, il explique qu'il a écouté X Clan et qu'il a commencé à porter des symboles africains, sans même savoir ce qu'ils signifiaient. Cela lui a valu les moqueries des Noirs, qui trouvaient ridicule de voir un homme blanc représenter des symboles africains qui ne faisaient pas partie de sa culture. Outre le fait qu'Eminem a admis avoir adopté une esthétique culturelle qu'il ne connaissait pas, la référence au racisme du X Clan montre qu'Eminem n'a absolument pas compris le message panafricaniste et nationaliste du X Clan. Le but de leur musique était de donner du pouvoir aux Africains, et non de dénoncer les Blancs. Ce message n'était clairement pas destiné à Eminem. Brother J de X Clan a été interrogé sur le commentaire d'Eminem lors d'une récente interview. Il a déclaré que sa position était que les gens doivent pratiquer leur propre culture et conserver leur identité, plutôt que d'essayer de coopter la culture des autres. Il a déclaré que le commentaire d'Eminem ne l'avait pas offensé. YouTube : : https://youtu.be/dfLTVD_ub40 YouTube : Brother J from X Clan : Speaks about Eminem comment and new Album Dans "Yellow Brick Road", Eminem parle également de sa relation avec une fille noire à l'école, expliquant qu'elle l'a largué pour un Noir, ce qui l'a poussé à enregistrer "Foolish Pride". Dans "Yellow Brick Road", Eminem s'est excusé de s'en prendre à toute une race. Il me semble intéressant que dans une chanson où Eminem décrit le X Clan comme étant raciste, il s'excuse également pour une chanson qu'il a enregistrée pour critiquer toutes les femmes noires. La place d'Eminem dans l'histoire du hip-hop continue d'être une question controversée, en grande partie parce que l'on pense qu'une grande partie de son succès auprès du grand public est due à sa race. Mais au-delà de cela, Eminem s'est immergé dans une culture qu'il n'a pas toujours comprise, comme le montre sa déclaration sur le X Clan. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/black-girls-are-dumb-rap-race-and-eminem-f59ff81e6adf Depuis la suspension de Ja Morant, on a beaucoup parlé du fait que Morant essaie de représenter un style de vie qu'il n'a jamais réellement vécu auparavant. Hier, j'ai vu un commentaire intéressant sur la situation de la part d'une personne qui a souligné qu'alors que Ja Morant est critiqué parce qu'il est un faux gangster, il y a ceux qui donnent un laissez-passer à Tupac Shakur.
Cet échange a relancé la conversation sur la question de savoir si Tupac était un vrai gangster ou s'il l'était simplement devenu pour coller à son personnage de rappeur. Les rappeurs qui adoptent une image de gangster ou de voyou qu'ils n'ont pas vécue sont souvent appelés gangsters de studio. Cela signifie qu'ils jouent la comédie en studio. Tupac est parfois accusé de cela, en partie parce qu'il n'était pas un gangster. Tupac lui-même a admis qu'il n'avait pas de casier judiciaire avant de devenir un rappeur à succès. Tout au long de sa courte carrière, Tupac s'est constamment retrouvé dans des problèmes juridiques et d'autres controverses. Contrairement à Ja Morant, qui a grandi dans un foyer de classe moyenne avec ses deux parents, l'éducation de Tupac a été très différente. Il a été élevé par une mère célibataire, qui a fini par devenir dépendante du crack. À un moment donné, Tupac a quitté le domicile familial et s'est retrouvé sans domicile fixe. De son propre aveu, lorsqu'il était dans la rue, il était pris en charge par des individus qui menaient une vie criminelle. Tupac a essayé de vendre de la drogue, mais il n'était pas doué. Malgré cela, les trafiquants de drogue se sont occupés de lui et lui ont donné de l'argent. Ils ont tenu Tupac à l'écart de la saleté pour qu'il puisse se concentrer sur son rêve de devenir rappeur. Tupac lui-même n'a pas été directement impliqué dans des activités de gang ou des crimes comme l'ont été d'autres rappeurs, mais il a grandi dans cet environnement. Au début de sa carrière, Tupac n'essayait pas de se présenter comme un gangster, mais plutôt comme une sorte de figure révolutionnaire qui luttait contre un système qui maintenait les jeunes Noirs pauvres dans l'impasse. Il a fait de la musique sur le thème de la lutte contre le système et il l'a également vécue. En 1993, Tupac a tiré sur deux officiers qui harcelaient un Noir. Le problème, c'est que lorsque Tupac est devenu célèbre, il ne s'est pas tenu à l'écart des ennuis. Il était le premier à admettre qu'il avait souvent un comportement imprudent et immature. C'est après avoir été libéré de prison et avoir rejoint Death Row que Tupac a vraiment commencé à adopter une image plus proche du type de gangsta rap qui s'est popularisé dans les années 1990. Suge Knight avait un casier judiciaire. Après sa sortie de prison, Tupac a également entamé sa querelle avec Biggie Smalls, qu'il accusait d'être complice du vol de Tupac et des cinq coups de feu qui lui ont été tirés dessus. L'association de Tupac avec Death Row l'a rapproché d'un monde criminel dans lequel il n'était pas impliqué auparavant. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé dans une situation où il s'est attaqué à Orlando Anderson, un Crip, la nuit même où Tupac a été abattu. Tupac ne faisait pas partie de ce monde, mais il y a été entraîné par les gens qu'il fréquentait. Tupac lui-même n'a jamais prétendu être un gangster ou avoir vécu cette vie, mais il voulait aussi rester en contact avec les gens sur lesquels il rappait et qu'il représentait dans sa musique. Cela l'a souvent mis dans une situation où il s'est associé à des personnes impliquées dans ce style de vie, et Tupac a fini par s'y laisser prendre. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/was-tupac-a-studio-gangster-134aba19c648 Biggie Smalls est né le 21 mai 1972 à Brooklyn, New York. Il grandit dans le quartier de Bedford-Stuyvesant, un quartier réputé difficile où la drogue et la violence sont monnaie courante. Malgré les difficultés auxquelles il est confronté, Biggie Smalls a un talent naturel pour le rap et commence à perfectionner son art dès l'adolescence. Il a été découvert par Sean Combs, également connu sous le nom de Puff Daddy, qui l'a fait signer par son label, Bad Boy Records.
Ayant grandi dans un quartier difficile, Biggie Smalls a été exposé très tôt aux dures réalités de la vie. Ses parents se sont séparés alors qu'il n'avait que deux ans et il a été élevé par sa mère, Voletta Wallace. L'argent était rare et Biggie Smalls se tournait souvent vers le trafic de drogue pour joindre les deux bouts. Cependant, il avait aussi une passion pour la musique, et il a commencé à se produire à l'adolescence. Biggie Smalls a connu sa première chance en 1991, lorsqu'il a fait l'objet d'un article dans un magazine de hip-hop appelé The Source. Il rencontre alors Sean Combs, qui vient de créer son label Bad Boy Records. Combs est impressionné par le talent de Biggie Smalls et le signe avec lui. Le premier album de Biggie Smalls, "Ready to Die", est sorti en 1994 et est rapidement devenu un succès. L'album met en avant son style unique, mêlant l'intelligence de la rue à un flow fluide et à des paroles intelligentes. Il comprend également des collaborations avec d'autres artistes, tels que Mary J. Blige et Method Man. Après le succès de "Ready to Die", Biggie Smalls est devenu un nom connu de tous. Son deuxième album, "Life After Death", est sorti en 1997, quelques semaines seulement après sa mort prématurée. L'album est un classique instantané, avec des succès tels que "Hypnotize" et "Mo Money Mo Problems". Les circonstances entourant la mort de Biggie Smalls restent mystérieuses. De nombreuses théories circulent sur les responsables de son assassinat, certains pointant du doigt des membres de gangs rivaux, d'autres suggérant qu'il s'agit d'une conséquence de la querelle qui l'opposait à Tupac Shakur. Malgré plusieurs enquêtes et une action en justice pour mort injustifiée intentée par sa famille, l'affaire n'a toujours pas été élucidée. Le style de Biggie Smalls était unique et révolutionnaire. Il mélangeait des éléments de la vie de la rue avec un flow sophistiqué et des jeux de mots intelligents. Ses textes étaient souvent autobiographiques, détaillant les difficultés rencontrées en grandissant à Brooklyn et les défis à relever pour réussir dans l'industrie de la musique. Après sa mort, plusieurs albums posthumes ont été publiés, dont l'album "Born Again" et la compilation "Duets : The Final Chapter". Ces albums présentent des collaborations avec d'autres artistes et rendent hommage à l'héritage de Biggie Smalls. Des hommages à Biggie Smalls ont également été rendus sous diverses formes, notamment des films, des livres et des œuvres d'art. Son impact sur la culture hip-hop se fait encore sentir aujourd'hui, plus de vingt ans après sa mort. Biggie Smalls était une légende du hip-hop dont le talent et l'influence continuent de résonner aujourd'hui. Malgré les difficultés qu'il a rencontrées, il a réussi à se faire connaître et à laisser une marque indélébile sur le genre. Son style unique et son approche novatrice de la musique ont inspiré d'innombrables artistes et fans dans le monde entier. Si sa mort reste une tragédie, son héritage se perpétue à travers sa musique et l'impact qu'il a eu sur la culture hip-hop. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/the-life-and-legacy-of-biggie-smalls-9238b5997e80 |
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